samedi 31 décembre 2011

La bande de la belle Alliette

Souvenir judiciaire.
Un roman d'Eugène Chavette, visiblement tiré d'un fait réel.

Quatrième de couverture :
Nous sommes en 1838, à Paris. Le «Vieillard» sort du bagne, déjà serré au plus près par deux agents de la Sûreté. Il rejoint une bande de voleurs qui élaborent un coup qu'ils pensent facile et enrichissant. Nos deux agents se joignent à eux, se faisant passer pour des malfrats. Mais la vie réserve parfois de surprises, et ils en auront tous leur comptant...

La petite histoire, avant que je vous donne mon avis sur cet ouvrage...
Il me fallait un ultime classique pour terminer, à la dernière minute comme il est d'usage pour moi, le défi lecture d'ABFA et Vampires & Sorcières. J'avais choisi Moll Flanders, un bon vieux pavé, mais pour diverses raisons ne me suis que peu avancée dans cette lecture... Alors je me suis dit qu'un truc rapide à lire, un polar par exemple, ça ne me ferait pas de mal. La dernière minute décidée à s'écouler bien trop vite j'ai dû faire avec ce que j'ai trouvé ce matin pour me débarrasser de la corvée...
Cruelle erreur.
Lecteurs, lectrices, ne soyez jamais fainéants, même à l'approche du réveillon quand vous avez mille choses à faire.
Parce que j'aurais pu choisir un bon vieux Agatha Christie, Maurice Leblanc ou Conan Doyle et que nenni, j'ai voulu un truc que je n'avais pas déjà lu...
Enfin bref, vous verrez bien que je l'ai payé, j'ai pourri ma matinée avec ça, alors écoutez mon conseil : Ne soyez jamais de fainéants lecteurs.

Franchement, ça avait l'air sympa... Ça sentait le roman noir populaire, ce qui n'est pas pour me déplaire. Roublardises, magouilles et coups fumants, un brin d'argot, des personnages qui paraissaient piquants et gouailleurs, un style vif...
Ouais, bon, tout ça c'était au début.
Le style vif devient vite lapidaire, sans élégance, intérêt ou raffinement quelconque. Il se fait même pénible tant il finit par ressembler à une lente énumération de faits. Le compte-rendu final du procès est tout particulièrement indigeste.
Alors oui je comprends la nécessité de coller aux faits puisque l'ouvrage est inspiré d'une affaire réelle (ce que je ne savais malheureusement pas en tournant ma première page), mais entre la partie romancée déjà pas terrible en soi, avec ses morceaux de récits découpés à l'emporte-pièce, et les notes du procès qu'on nous sert sans la moindre mise en forme, on peut difficilement faire plus mal écrit. C'est à se demander pourquoi vouloir tirer un roman de cette histoire si l'on n'en exploite pas la matière.
Ce texte n'a ni l'attrait du roman, ni l'intérêt du documentaire qui décortiquerait une affaire judiciaire de façon pointue et objective.
Et les personnages... Pourtant intéressants au départ ils perdent vite toute substance. Que ce soit le chef de bande, la beauté un peu trop futée, le flic têtu ou le gamin désespérant de cynisme, tous, après avoir pourtant harponné mon attention, ont fini par me lasser irrémédiablement. C'est à croire qu'à mi-chemin de son récit l'auteur avait décidé de torcher le tout vite fait.
J'ai donc fait de même avec ma lecture et espère l'oublier bien vite.
Je n'ai rien trouvé qui précise quel était le but de l'auteur ou les circonstances dans lesquelles ce roman est né. Donc si vous pouvez remédier à mon inculture, ne vous gênez pas. J'avoue que ça m'a laissée perplexe.

Mais c'est avec cette purge que je termine néanmoins le défi lecture ABFA et V&S 2011.
J'espère que celui de 2012 se finira sur une meilleure note.

Derrière le masque

Ou le pouvoir d'une femme.

Un roman écrit par Louisa May Alcott, publié aux éditions Interférences. (Étant d'une futilité grandissime, je ne peux m'empêcher de vous dire que leur papier est génial.)
Il existe également en version poche aux éditions Joëlle Losfeld.

Quatrième de couverture :
Qui se cache sous le masque de Louisa May Alcott, l'auteur des Quatre filles du Dr March ?
Mondialement connue pour ses romans destinés à la jeunesse, Louisa May Alcott écrivait aussi sous des pseudonymes de troublantes histoires de secrets de famille, de vengeance et de pouvoir, dans lesquelles des femmes indépendantes se libèrent des préjugés pour prendre leur revanche sur un monde masculin qui cherche à les enfermer dans un carcan de conventions.
Doubles vies, doubles visages, faux-semblants et illusions : ici, personne n'est ce qu'il paraît être. De même que l'auteur pénètre par un subterfuge dans l'Amérique littéraire du XIXe siècle, l'héroïne de Derrière le masque s'introduit dans l'aristocratie anglaise grâce à une mystification.
Si l'énigme à la fois littéraire et psychologique que représente cet écrivain est déjà connue du public anglo-saxon depuis une trentaine d'années, c'est seulement aujourd'hui que le lecteur français va pouvoir enfin découvrir l'envers ténébreux de son œuvre.
Ce roman ambigu contient sans doute l'une des clés du mystère Louisa May Alcott.

Il s'agit donc, comme la quatrième de couverture nous le promet, d'un roman sur les apparences, la manipulation et la réussite sociale, mais qui, s'il est habilement mené, n'est pas non plus exceptionnel et en tout cas n'apporte rien de bien nouveau au genre.
Jean Muir, gouvernante de son état et nouvellement admise dans le foyer d'une famille de la noblesse, semble avoir un certain goût du spectacle. De fait, on voit dès le départ où la petite ambitieuse souhaite en venir. Mais y réussira-t-elle ?
Derrière le masque fait partie d'une série de romans que Louisa May Alcott publia sous pseudonyme. Elle affectionnait les ouvrages de littérature populaire, romans feuilletons, univers noirs et gothiques, comme elle en faisait d'ailleurs écrire à sa Jo. De fait, c'est ce qu'elle a mis en scène dans ses propres romans qui s'apparentent à de la littérature de sensation pour leur époque.
Derrière le masque n'est pas le plus fantasmagorique ou extravagant, ni celui qui fait montre du plus grand talent. Il est certes très bien écrit, use de quelques ressorts typiques du roman feuilleton, bien qu'il n'en soit pas un, mais il reste sans surprise majeure.
C'est pourtant un roman qui ne manque pas de finesse et dont le cynisme est fort plaisant. Il dépeint surtout la nature humaine, grossissant légèrement le trait, mais pas tant que dans d'autres ouvrages de son auteur, en cela il reste plutôt crédible et agréable. Il a aussi un petit quelque chose de désuet qui ne manque pas de charme et séduira sans doute les amateurs de romans noirs poussiéreux (le terme n'étant pas péjoratif, d'ailleurs je m'inclus dans le lot).
Il se lit très vite, bien que l'histoire n'en paraisse pas moins un peu longuette pour le lecteur qui, sachant à quoi s'attendre, peine un peu face à la naïveté des Coventry. S'il est vrai qu'ils méritent assez qu'on essaie de les duper et que l'héroïne s'y prend plutôt bien, le fait de savoir dès le départ qu'elle joue un rôle enlève un peu de subtilité à l'histoire, même si la fin reste peu assurée jusqu'à l'avant-dernier chapitre. Et, surtout, c'est l'exagération permanente de Jean Muir dans son jeu qui devient un peu agaçante à mesure que l'histoire avance.
Sur le pouvoir de séduction et les artifices dont usent les femmes pour séduire même les plus récalcitrants, j'ai préféré la pièce de Goldoni : La Locandiera. La fin y est certes plus mitigée, avec une morale un brin trop masculine, même si hommes et femmes en prennent chacun pour leur grade, mais l'auteur y a déployé plus de subtilité et d'élégance dans sa description des ruses féminines.
Derrière le masque n'en est pas moins un bon livre, fort distrayant, et il est toujours plaisant de découvrir d'autres écrits de Louisa May Alcott que ses si célèbres Quatre Filles du Docteur March.

mercredi 28 décembre 2011

La Lettre Ecarlate de Nathaniel Hawthorne

Des écrits de Nathaniel Hawthorne, je crois bien n’avoir jamais lu que des extraits en cours de littérature ou de traduction. Et j’avais depuis longtemps envie de lire La lettre Écarlate, entre autres de ses travaux. En cela, le défi lecture d’ABFA et Vampires & Sorcières m’a fourni une très bonne occasion et je ne le regrette pas.

Un mot d’abord concernant l’introduction dans laquelle l’auteur nous explique, tout en circonvolutions et anecdotes, car il en va ainsi de son écriture, très évocatrice, mais aussi fluide et capricieuse qu’un fleuve, comment cette histoire lui échut et pour quelles raisons il devait impérativement nous la raconter. Ce texte fut à lui seul un excellent moment de lecture tant j’ai apprécié les réflexions d’Hawthorne concernant l’écriture et le métier d’écrivain, mais également grâce à l’éclat tout particulier de son style, à la fois élégant et tortueux. Tout cela savamment mêlé nous laisse apprécier quel personnage il devait être : homme brillant à l’esprit vif, dont l’imagination ardente et la sensibilité exacerbée, tout autant que son humour extrêmement pointu et caustique, imprégnaient l’écriture. Il savait ne pas s’égarer, ni perdre son lecteur au détour de ses apartés ou autres écarts accordés au fil principal de son récit. Le tout reste donc plaisant malgré tant de tours et détours.
Instructive, drôle, mais aussi émouvante par bien des aspects, cette antichambre du récit a suffi à me conquérir. Et l’histoire elle-même n’a fait que renforcer mon sentiment. Mais je vous dois d’abord un mot sur l’essence-même de celle-ci…
C’est d’abord l’histoire d’une femme, Hester Prynne, condamnée à porter sur sa poitrine un signe infamant : la fameuse lettre écarlate, un A comme adultère, mais c’est surtout, au final, l’étrange histoire de la façon dont l’esprit humain peut vivre sa honte, son remords, sa frustration ou sa vengeance, entre autres sentiments impérieux. En cela, Hawthorne a fait un magnifique travail sur la psychologie de ses personnages car même si elle ne nous en paraît pas moins excessive ou curieuse à nous dont les mœurs sont ceux de notre époque, elle fait montre d’une grande finesse qui, j’en suis sûre, me marquera longtemps.
Ce récit est de nature à mortifier son lecteur. Qu’on soit ou non dérouté par les réactions des personnages, par l’importance omniprésente de la religion dans leur vie, leurs pensées comme leurs actes, ou simplement par une façon de penser si différente de la nôtre, on ne peut qu’être emporté par cette histoire. C’est là que résidait tout le talent de conteur de Hawthorne, menant son lecteur par le bout du nez, il le faisait passer d’un point à l’autre de toute une palette d’émotions. Son écriture elle-même est fascinante, et je pèse ce mot. Il avait une capacité incroyable à évoquer certaines scènes et émotions à tel point qu’elles se muent en fantômes, évanescents mais pourtant quasiment palpables, sous les yeux du lecteur qui est pourtant bien loin de l’esprit qui anime ce récit.
S’il a distillé beaucoup moins d’humour dans ce texte-ci, bien qu’il y en ait un peu, discret, caché au détour d’une des phrases fleuves qu’il semblait affectionner, c’est sans doute pour mieux rendre son récit vivant et vibrant d’émotion. Et c’est une réussite car il a vraiment su insuffler à ses mots quelque chose de cet élan surnaturel vers lequel le portait sa si fine sensibilité. C’est ce style si puissamment évocateur qui fait de La Lettre Écarlate un récit si prenant et poignant qui restera gravé dans ma mémoire.

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mardi 27 décembre 2011

Top Ten Tuesday 15 : mes dix coups de coeur de 2011

Je ne suis pas d'humeur très loquace en ce moment, mais pour mes meilleures lectures de l'année je vais faire un petit effort.
Elles ne seront toutefois pas classées dans un quelconque ordre de valeur et comme je ne suis pas très douée pour résumer en seulement quelques phrases des ouvrages qui m'ont marquée, il faudra, si vous souhaitez plus de précisions, vous rendre sur les pages qui leurs sont dévolues dans mes carnets.





5. Ainsi naissent les fantômes de Lisa Tuttle.
Je me rends compte que je n'ai toujours pas fait de billet sur celui-ci. Il faudra que je corrige cette erreur...




9. La Vestale du Calix d'Anne Larue

10. A l'ombre des pleurs de Cécile Guillot.
J'ai pris un peu (beaucoup) de retard dans la rédaction de mes billets, celui-ci ne saurait tarder...

Bien qu'elle ne soit pas un coup de cœur de même mesure, je vais ajouter à la liste la série de Patricia Briggs : Alpha et Omega car elle fut une très plaisante découverte de l'année.
J'ajoute aussi la série Harper Blaine de Kat Richardson dont l'univers m'a beaucoup intéressée.

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Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire organisé par The Broke and the Bookish. Je vous invite à cliquer sur l’image pour voir le billet de la semaine et les liens vers ceux de tous les blogs qui y participent.

lundi 26 décembre 2011

Masky

Un roman de fantastique historique écrit par Viviane Etrivert et publié aux éditions Argemmios.


Magnifique couverture, n’est-ce pas ? Elle a été réalisée par Krystal Camprubi.
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Quatrième de couverture :
An de grâce 1599. Renaissance tardive.
Au carrefour des influences slaves et germaniques, alors que les guerres de Religion persistent à déchirer l’Europe, la Moravie conserve ses traditions d’un autre âge et sa mémoire païenne, dans une paix fragile.
Mais là où les femmes se rassemblent pour se transmettre le vieux savoir, au travers de gestes immuables, certains hommes ont beau jeu de parler de sorcellerie et de brandir un terrible ouvrage : le Malleus maleficarum.
Noël approche. À Ostrov, on se marie. Dans les rues de Velky, les barbora distribuent des cadeaux et la troupe des loups-garous, bruyante et paillarde, fait charivari.
Neige et tempête. Dans les bois, près du Rocher de l’Ourse, rôde un inquiétant loup gris à trois pattes. Et un moine étrange va et vient, demandant aux passants pétrifiés si son hurepiau lui sied bien.
La fête peut-elle se poursuivre, quand des crimes se commettent dans l’ombre ? Et que faire, quand la Justice tombe soudain entre les mains d’un sinistre individu ?
D’abord, répondre à la question que tous se posent : qui a tué le juge Michna ?
Masky est mon grand coup de cœur de fin d’année et tout ce qui me vient à l’esprit pour l’expliquer est tout simplement : alors ça c’est un roman !!!
Oui, je sais qu’il va falloir que je fasse mieux… Mais pardonnez à l’avance mon manque d’éloquence, ne le reprochez pas au roman qui vaut bien mieux que ce que je saurais en dire et surtout lisez-le.
Ce récit, aussi passionnant qu’il est intelligemment construit, nous emporte dans la tourmente d’une fin de XVIème siècle superstitieuse, déchirée par des guerres fratricides, assombrie par la méfiance et la suspicion, les abus des uns et la crédulité des autres…
Masky n’est pourtant pas uniquement tissé de cette noirceur. Il y a entre ses lignes, entre la foi de certains et l’incursion de la légende, entre la sorcellerie et les brumes oniriques, un petit quelque chose de magique qui chasse les ténèbres ou les tient à distance à tout le moins, malgré la dureté de cette histoire.
Masky est à la croisée des genres. Roman historique très bien documenté, avec des accents de thriller, mâtiné d’un fantastique discret mais efficace, basé sur les légendes et le folklore, il nous entraîne sur plusieurs pistes à la fois sans jamais perdre en route cette diversité qui en fait un récit aussi brillant que prenant.
J’ai particulièrement apprécié le fond folklorique qui sous-tend le roman, ces anecdotes et croyances qui m’ont donné envie d’en savoir toujours plus sur les contes, légendes et croyances tchèques. Et j’ai aimé en retrouver d’autres déjà connues sous cette forme ou sous une autre, qu’il s’agisse de références littéraires ou folkloriques. Je m’émerveille toujours de voir à quel point des cultures paraissant si différentes peuvent en fait se rejoindre… Mais ceci est une autre histoire. Retenons juste pour cette fois que l’auteur fait dans ce roman un usage de la légende à la fois pointu et didactique qui est de nature à me séduire irrémédiablement.
Seul bémol pour moi : une fin un peu trop hâtive à mon goût, qui m’a quelque peu frustrée car j’aurais voulu en savoir plus sur ces personnages auxquels je me suis attachée. Mais ce n’est qu’un détail… Masky m’a offert d’excellents moments de lecture, m’a happée dans son univers, appris des choses, je me suis délectée de l’écriture de son auteur et de l’érudition dont elle fait preuve et j’espère que vous l’apprécierez de même.

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vendredi 9 décembre 2011

Aurore d'Enrique Fernandez

Cette bande-dessinée d'une cinquantaine de pages est publiée chez Soleil, collection Métamorphose.


Notre peuple a perdu la foi...
Les dieux anciens, qui nous protégeaient pas le passé, sont aujourd'hui offensés que nous les ayons oubliés en ces temps de pénurie.
Y aurait-il une dernière chance pour que nos esprits brillent à nouveau tels une aurore après la nuit ?

Le peuple de la petite Aurore est divisé : d'un côté ceux qui croient encore aux esprits anciens, de l'autre ceux qui, au désespoir, ont choisi de ne plus croire en rien. Néanmoins tous semblent d'accord sur un point : ils ne veulent pas quitter leur terre natale malgré leurs difficultés. Alors certains persistent à tenter de survivre, tandis que d'autres baissent les bras.
Cependant, un événement extraordinaire va tout changer, un ruisseau doré serpente soudain en plein cœur de leur village, transformant en statue les deux téméraires qui ont osé y toucher...
Ainsi commence la quête d'Aurore, prisonnière entre deux mondes, entre celui des hommes et des anciens, auprès des esprits de la terre.
Avec pour compagnon Vokko, étrange esprit-animal, cynique et désabusé, elle va devoir trouver un moyen de venir en aide à son peuple et de se sauver elle-même.

"Vous cherchez toujours à avoir une réponse pour tout et quand vous ne l'obtenez pas directement vous enquiquinez tout le monde jusqu'à ce que qu'on vous la donne."
C'est ce que Vokko dit à Aurore au début de sa quête, alors qu'elle ne sait plus qui elle ni d'où elle vient. Et c'est à la fois drôle et triste, mais ça montrera aussi par la suite, d'une certaine façon, que la ténacité a quelque chose de touchant dans sa naïveté.

C'est vraiment une très belle histoire. Parfois mélancolique, d'autres fois émouvante ou drôle, toujours empreinte d'une certaine magie et de chamanisme, mais également d'un pragmatisme un peu désabusé qui rend le tout très réaliste. C'est un curieux mélange, mais il prend bien.
Il a la saveur des contes, récits connus depuis toujours, qui parlent si bien à cette partie de nous, la plus lointaine, qui s'exprime en sensations et non en mots. Quelles que soient les diversités de nos cultures et de ceux que nous avons entendus enfants, il y a toujours dans ces contes quelque chose qui fait écho à nos propres croyances. Les contes sont des passerelles entre les cultures et celui-ci ne fait pas exception.
Cette quête initiatique nous montre les plus mauvais côtés de l'humanité, mais également les meilleurs. Nous ne valons certes pas grand-chose, comme le lui font remarquer les êtres qui croisent le chemin d'Aurore, mais demeure en nous une certaine poésie qui, si nous savons l'écouter, nous fait faire aussi de belles choses.
La fin est vraiment magnifique et m'a totalement séduite. Je ne m'attendais pas du tout à cela, mais j'ai trouvé qu'elle sonnait particulièrement juste. C'est elle qui donne toute sa dimension poétique à cette histoire qui sinon pourrait sembler un peu vaine.
J'ai adoré le personnage de Vokko, ses répliques cinglantes, sa nature à la fois cynique et fidèle, mais s'il reste mon préféré, les autres personnages se sont révélés plus attachants que je ne l'aurais cru au départ. Que ce soit Moma, les parents d'Aurore ou la petite peste qu'est cette dernière, tous ont su gagner mon affection, même fugacement.
J'ai beaucoup apprécié l'aspect à la fois brossé et délayé des couleurs. Le rendu est magnifique sur les paysages. Par contre le dessin est assez particulier. Si Vokko est génial et qu'Aurore a une bonne bouille, comme d'ailleurs les esprits qu'elle croise, ainsi que Moma la chaman, les villageois eux ne m'ont pas vraiment charmée. Un peu trop figuratifs, peut-être... Et j'ai parfois trouvé que leurs expressions manquaient de nuances. Mais c'est une question de goût car le tout est néanmoins très cohérent dans son style et nous offre vraiment un bel album.
La dernière illustration d'aurore et de Vokko est tout simplement sublime.
C'est une histoire tous publics, mais j'aurais bien du mal à vous dire à qui elle s'adresserait le mieux et ça me gêne un peu... Entre ses nombreuses métaphores et son style graphique particulier, je doute qu'un jeune public y trouve son compte. Cependant, à l'inverse, des adultes pourraient trouver le tout, histoire comme illustrations, un peu simpliste. C'est une affaire de charme, il opère ou pas, mais j'ai trouvé quant à moi que malgré sa simplicité il avait un petit quelque chose de spécial.


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mardi 6 décembre 2011

Top Ten Tuesday 14 : dix livres qui ont accompagné mon enfance

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire organisé par The Broke and the Bookish. Je vous invite à cliquer sur l’image pour voir le billet de la semaine et les liens vers ceux de tous les blogs qui y participent.

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Sérieusement, choisir seulement dix livres est une torture, alors ne me demandez pas non plus de les classer par ordre de préférence...

1. Tous les livres de Roald Dahl.
Oui, je triche dès le début et sans honte. Je n'exagère pas si je vous dis que cet auteur a vraiment participé à mon éducation.
Gudule a écrit dans La Bibliothécaire (qui au passage est un très bon livre pour enfants) quelque chose comme : les livres ont des passages secrets qui mènent les uns aux autres. C’est tout à fait vrai et en cela l’univers de Roald Dahl a longtemps été pour moi une sorte de bois d’entre les mondes. Je ne lirais pas comme je lis et je n’écrirais pas comme j’écris si je n’avais pas connu cet auteur.

2. L'appel de la forêt de Jack London.
Ce livre-ci m'a beaucoup appris. J'ai dû le lire des dizaines et des dizaines de fois, de l'enfance jusqu'à l'âge adulte... Je n'ai, par-contre, jamais aimé Croc-Blanc.

3. Bravo Tupinetta ! de Pierre-Dominique Sammarcelli.
Ce livre a été réédité depuis en version bilingue, mais moi je me souviens avec une affection certaine de la version rose flashy, avec ses illustrations entre gouache et aquarelle... Mon exemplaire a été tellement lu et trimballé qu'il est très abîmé aujourd'hui...
Mais je parle de moi et pas du livre. Comment vous le résumer ?
C’est l’histoire de la petite souris des dents de lait, de ses choix, de son apprentissage, de ses amitiés, de sa première mission pour le Père Noël... C'est un très bel ouvrage.

4. Cornes d’aurochs et poils de yack de Gérard Franquin et Philippe Barbeau.
Je me souviens de délicieuses illustrations colorées, mais surtout d'une très belle histoire en plusieurs parties.
Margot, une fée maladroite a dépassé les bornes avec sa dernière bévue, elle a dû quitter le royaume des fées en toute hâte et se cacher dans la peau d'un chien. Mais son jeune maître s'étant rendu compte de sa véritable identité, elle se met à lui raconter son histoire en détails...
J'ai littéralement adoré ce livre.

5. Un chant de noël de Charles Dickens.
Qui ne connaît pas ce texte ? (Au moins grâce à Walt Disney...)
On me le lisait quand j'étais petite, bien avant que je sache lire et il a curieusement marqué mon imaginaire. Je dis curieusement, parce que j'en retrouve parfois d'improbables échos dans ce que je fais ou écris.

6. Les quatre filles du Docteur March de Louisa May Alcott.
Ce manuel d’éducation à l’usage des jeunes filles, qui semble si bien pensant et gentillet à l'adulte que je suis, n’en est pas moins un texte que j’ai adoré étant enfant. C’est une histoire qui m’a accompagnée et m’accompagne encore. Elle est moralisatrice par instant, un peu puritaine, mais elle a aussi un côté subversif moins évident à voir à notre époque.

7. Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède de Selma Lagerlöf.
Un livre sur lequel je fais une telle fixation que j'en possède plusieurs traductions...

8. Flore et Blanchefleur.
Quand j'étais en cp, notre institutrice nous faisait chaque semaine emprunter un libre à la bibliothèque de l'école, c'est comme ça que j'ai eu celui-ci entre les pattes.
C'était une adaptation du texte médiéval. Un des rares textes idylliques à nous être parvenus, qui peut paraître très sirupeux et gentillet aux adultes, mais qui est en fait très symbolique.
Cette histoire est, pour je ne sais trop quelle raison, restée gravée dans ma mémoire très clairement. Vingt ans après, me décidant à en lire une autre version, j'ai été plus qu'étonnée de voir tout ce dont je me souvenais. Ça allait de l'histoire de la bague de Flore, aux détails de la fausse tombe, en passant par la façon dont le Sultan choisissait ses femmes...

9. P'tit Jean et la Sorcière.
Je ne sais plus du tout qui en était l'auteur, mais c'était dans un numéro de J'aime Lire.
Ce brillant petit conte fait en fait référence à plein d'autres, mais de façon très subtile.
C'est l'histoire d'un petit garçon orphelin à qui une vieille dame offre deux pains "l'un pour maintenant et le second pour tous les autres jours." Alors l'enfant enterre le second pain et celui-ci donne un arbre qui produit des pains au lait... Étant de nature généreuse, il les partage avec tous les pauvres des environs, jusqu'à ce que sa renommée soit si grande qu'il attire l'intérêt d'une méchante sorcière qui n'aura dès lors qu'une obsession : le capturer pour en faire un délicieux ragoût.

10. La série des trois détectives.
Il y avait plusieurs auteurs et je ne me souviens plus de leurs noms, c'était une série publiée par la bibliothèque verte. Tous les ouvrages n'étaient pas égaux en qualité, ça dépendait de l'auteur... Je me rappelle plus particulièrement du Perroquet qui bégayait et du Chat qui clignait de l'oeil qui sont parmi les premiers que j'ai lus.

Et là je craque, je ne peux pas m'en tenir à dix...
Ajoutez à cela un nombre incalculable de contes (ceux d'Andersen m'ont énormément marquée, mais j'aimais aussi ceux des frères Grimm,) Le petit Nicolas de Sempé et Goscinny (toute la série, mais plus particulièrement les vacances), le roman de Renart, un exemplaire de l'Odyssée en version enfant, très complet quant aux diverses aventures d'Ulysse, tout en étant très abordable pour les enfants et bien écrit (faut que je retrouver les références), Les loups en papillotes (je ne me souviens plus du nom de l'auteur... Ça parle d'un couple de monarques despotiques et cinglés qui ont décidé de manger des loups en papillotes. Pas du poisson, de vrais loups... Et ça tombe bien parce qu'une bande de ces animaux, encore plus cinglés que les monarques de l'histoire, sévit dans les environs...), Le jardin secret de Francès Burnett, les Contes de la rue Broca de Pierre Gripari, Les histoires comme ça et le Livre de la Jungle de Rudyard Kipling, Les patins d'argent de P-J Stahl, Le vent dans les Saules de Kenneth Grahame, l'histoire sans fin de Michael Ende et une histoire de diable et de bouteille de Stevenson... Et tant d'autres que ma mémoire vacillante me soufflera sans doute trop tard pour leur rendre justice.

vendredi 2 décembre 2011

Éphémère T1, le Dernier Jardin

Un roman de Lauren DeStefano, publié chez Castelmore.

L'humanité croyait son avenir assuré. La science avait créé des enfants parfaits, immunisés contre toutes les maladies. Mais qui pouvait imaginer le prix à payer ? Car désormais, personne ne survit au-delà de vingt-cinq ans. Le monde a changé. Pour les jeunes femmes, la liberté n'est plus qu'un souvenir. Au nom de la survie de l'espèce, elles sont kidnappées et contraintes à des mariages polygames. Rhine a seize ans. Quand elle se réveille dans une prison dorée, elle n'a qu'une idée en tête : fuir. Qu'importe l'amour que lui portent son mari et ses sœurs épouses. Quand on n'a que quelques années à vivre, la liberté n'a pas de prix.

Vaut-il mieux vivre retiré du monde, dans un confortable cocon, en se considérant déjà mort ou dans la réalité comme si on avait la vie devant soi ?
La recherche d’un antidote peut-elle tout justifier ?

Ce roman m’intriguait beaucoup et il faut dire que le sujet en lui-même est bien trouvé. Futur incertain, manipulations génétiques qui ont mal tournées, cela n’a rien de bien novateur dit comme ça, mais avec ce petit côté Barbe Bleue en plus, ces possibles réflexions sur la condition féminine, l’éthique scientifique et les paradis artificiels, l’idée ne manquait pas de charme.
Seulement voilà, elle n’est pas suffisamment exploitée à mon goût. Tout ce qui fait le sel du récit y est en fait plutôt secondaire. L’auteur avait la matière pour faire de ce Dernier Jardin un roman grandiose, un huis clos effrayant et surtout mystérieux. Elle aurait pu jouer beaucoup plus sur les apparences, mais a malheureusement préféré s’attarder sur d’autres aspects de l’histoire. Le fait qu’Éphémère soit une trilogie y est sans doute pour beaucoup, il faut se ménager quelques révélations. Mais c’est quand même dommage, surtout que certaines d’entre elles, concernant l’histoire globale, semblent assez prévisibles pour la suite.
Au final, tout semble très manichéen. J’aurais aimé qu’on me mène en bateau, être captivée, surprise, ne pas savoir distinguer le vrai du faux, j’aurais voulu des personnages plus nuancés, ne pas savoir tout de suite qui sont les gentils, qui sont les méchants...
Je ne m’attendais pas non plus à ce que l’histoire verse dans le glauque, après tout c’est un roman pour ado, mais j’espérais quand même un peu plus de maturité, quelque chose de moins artificiel.
Le fait que la narratrice ne soit pas omnisciente, puis qu’elle raconte l’histoire au présent ménage certes un peu de mystère, surtout concernant les véritables motivations des gens qui l’entourent et qu’elle ne peut qu’interpréter, mais pas autant qu’il l’aurait fallu. Habituée au fantastique et à ses univers troubles, j’ai trouvé que ça manquait de nuance et de crédibilité. Il est très dommage de ne pas avoir suivi cette piste.
Rhine étant forcée à l’observation, on passe donc beaucoup de temps à suivre ses atermoiements et autres suppositions. C’est bien écrit, mais si on a dépassé l’âge on aura forcément du mal à s’immerger dans l’histoire et à apprécier l’héroïne. J’aurais préféré une alternance des points de vue qui aurait pu être très enrichissante dans cette histoire et qui aurait sans doute généré plus d’empathie pour ceux qui, comme moi, n’ont pas réussi à s’attacher à l’héroïne.
L’histoire est tout de même plaisante sur bien des points, même si ce n’était pas ce que j’espérais. Le public cible y trouvera facilement son compte.
Quant à moi qui suis une vieille grincheuse, même si j’ai réussi à faire abstraction de cette romance un peu trop cousue de fil blanc et du côté très girly de ce récit, j’ai quand même eu du mal à trouver le reste de l’histoire vraisemblable.
Un rhinocéros indien pourrait facilement me faire croire qu’il est une licorne (bon d’accord Beagle m’a prévenue,) j’accepte facilement ce que les auteurs me racontent de plus bizarre, mais ce roman-ci manque souvent de logique. Je n’ai pas réussi à y croire et c’est probablement ce qui m’a gênée le plus.
Entre autres choses, je veux bien croire qu’en un tel monde, alors que l’humanité est en pleine perdition, les femmes soient les premières victimes. Je veux bien croire qu’on les instrumentalise plutôt que de leur accorder le statut privilégié que devrait en toute logique justifier cette situation. Par contre, là où j’ai du mal à suivre c’est quand celles que les Ramasseurs ne vendent pas sont tuées. Parce qu’un seul homme n’en a pas voulu ? Une trentaine de filles qu’ils se sont donné un mal fou à enlever ? Sachant qu’il leur en faudra sans doute encore un bon nombre pour leur prochain client, j’ai beaucoup de mal à trouver de la logique à cet acte tout à fait gratuit et pour le moins stupide si les femmes sont une marchandise si précieuse…
C’est un détour un peu facile, comme il y en a tant d’autres.
Mais tout autant que du récit lui-même, cette impression d’invraisemblance qui ne m’a pas quittée vient aussi des réactions des personnages. Jenna par exemple, dont la triste histoire aurait pu être un pilier de ce roman, perd de sa crédibilité comme on souffle une bougie. Je ne m’explique toujours pas certaines de ses réactions, même si d’autres suivent un plan bien précis. Et pourtant c’est un merveilleux personnage, de loin mon préféré avec Rose. Ce sont elles qui ont rendu ce récit émouvant pour moi.
Rhine est quant à elle d’une étonnante incohérence et je ne parle pas là du fait qu’elle puisse d’une certaine façon s’attacher à son époux (après tout, syndrome de Stockholm, etc.) Vous parler de ses plus grandes incohérences vous gâcherait l’histoire, alors je vais me contenter d’une petite…
Rhine aime beaucoup se poser en moralisatrice, défenderesse des valeurs de l’humanité d’autrefois, elle vous parlera de liberté, de respect des morts, des femmes et de tout un tas d'autres concepts, mais ça ne la gêne pas d’avoir pour domestique personnelle une petite fille qui ne doit même pas avoir la moitié de son âge et qu’elle appelle à la moindre occasion pour se faire masser les chevilles ou couler un bain…
C’est marrant comme pour Rhine tout est relatif…
Et Linden, le fameux époux en question… Que devient-il dans tout ça ? Comment peut-il ne pas comprendre ce qui se passe autour de lui ? (S’il le sait, franchement c’est un excellent acteur. Mais s’il ne le sait pas, il devrait arrêter la luzerne) Pourquoi personne ne lui dit rien ?
Parfois je me suis demandé s’il n’avait pas autant de personnalités que d’épouses…
C’est d’autant plus déroutant qu’en fait ils sont tout à fait cohérents pendant une partie du récit, leurs réactions étant motivées par la vie qu’ils ont eue, mais que par à-coups leur psychologie semble changer du tout au tout et ça part en vrilles.
Il y a beaucoup de facilités de toutes sortes dans ce récit et ça enlève au côté dramatique, voire horrifique, dont ne peut pas se passer une telle problématique. Je crois que si on choisit un sujet aussi malsain, l’édulcorer devient vite d’un goût plus douteux encore. Il y aurait vraiment eu matière à faire de ce Dernier Jardin un roman adulte. La version jeunesse, pour bien écrite qu’elle soit et agréable à lire ne me marquera pas.
Je conseille toutefois ce livre aux filles de l’âge de Rhine. Ce n’est pas le roman du siècle, mais ça peut être une plaisante lecture qui, de surcroît, n’est pas dénuée de réflexions intéressantes, même si on ne fait que les effleurer.