mardi 30 décembre 2014

Bilan de fin d'année

J’ai globalement peu lu en 2014, néanmoins mes lectures furent plutôt bonnes. Il n’y eut que de rares petites déceptions et un seul abandon : Points chauds de Laurent Genefort (mais ce n’était pas la faute du roman, juste pas le bon moment de le découvrir pour moi).
Enfin, dans ce cortège d’heureuses lectures (que je vous invite à découvrir dans les archives même si elles ne se trouvent pas mentionnées dans ce billet. En effet, je n'ai quasiment chroniqué que les livres que j'ai le plus aimés cette année) quelques ouvrages sortent du lot et, comme tous les ans, je vais vous parler un peu de ces merveilleux livres qui m’ont accompagnée et resteront gravés dans ma mémoire de lectrice.
Certains ouvrages, pourtant estampillés du tag "coups de cœur" ne sont pas évoqués ici. J’ai préféré mettre en avant ceux qui, selon moi, le méritaient le plus et qui ont donc trouvé leur place dans mon Carnet Nuit.
C'est du concentré de coups de cœur en quelque sorte.


L’ordre de présentation n’est pas symbolique d’une quelconque préférence, j’aurais grand-peine à établir un classement de ce type.
Tous ont comblé la lectrice difficile que je suis par la qualité de leurs intrigues autant que par l’élégance et la finesse du style de leurs auteurs.


L’Étrange Cabaret des fées désenchantées d’Hélène Larbaigt
L’histoire est vraiment géniale. Tous les amateurs de féérie urbaine basée sur le folklore et les mythes devraient adorer cet ouvrage. Il vous le faut dans votre bibliothèque ! Je vais encore rêver longtemps de tous ces fabuleux personnages.
En outre, le livre est magnifique et de tous les « beaux » ouvrages que je possède, il est parmi mes préférés pour ses détails et son esthétique. Les illustrations sont vraiment magiques.


Punk’s not dead d’Anthelme Hauchecorne
Ce recueil de nouvelles a été à la fois ma dernière lecture de 2013 et la première de 2014.
Pour la lectrice exigeante que je suis, cette lecture a été délicieuse et n’a fait que me confirmer une fois de plus le talent de son auteur dont le style est aussi ciselé que l’imagination foisonnante.
Si vous n’êtes pas amateurs de nouvelles et que vous ne devez lire qu’un seul recueil en 2015, que ce soit celui-ci. Vous y trouverez du fantastique, de la SF, de l’urban fantasy, du merveilleux… toujours des histoires passionnantes et originales.
N’hésitez pas à visiter le site d’Anthelme Hauchecorne sur lequel vous pourrez retrouver quatre des nouvelles en pdf, avec en prime les superbes illustrations de Loïc Canavaggia.


Spiridons et La prisonnière du Kremlin de Camille von Rosenschild
Il s’agit d’un diptyque et c’est juste excellent.
Ces romans oscillent entre le fantastique et une low fantasy contemporaine, ce qui leur confère une atmosphère bien particulière. L’écriture est aussi magique que l’ambiance, l’auteur m’a emmenée avec elle tout de suite et j’ai adoré ce voyage. Le récit est rythmé, plein de rebondissements, l’histoire est vraiment très originale, mystérieuse, agrémentée de pointes d’humour subtiles. Il devient vite impossible d'interrompre la lecture.
Ce sont deux merveilleux romans que je conseille à tout le monde. On devrait pouvoir lire plus souvent des histoires aussi enthousiasmantes !


Le Soir, Lilith de Philippe Pratx
Celui-ci est une petite merveille. Il s’agit d’un roman noir, nimbé d’un fantastique sombre et délétère qui piège imparablement son lecteur.
L’auteur parvient à rendre une ambiance dense autant que volatile. L’intrigue est labyrinthique et il est délicieux de louvoyer dans cette ambiance fantastique qui oscille sans cesse entre vérité et mensonge, illusions et réalité.
Ce fut une excellente lecture.


Morwenna de Jo Walton
Cette lecture n'est certainement pas la plus "parfaite" de mon année livresque. Toutefois, j'ai une certaine tendresse à son égard.
Elle mérite d'être mentionnée ici pour toutes les qualités qui m'ont fait oublier ses défauts. Je crois que tout grand lecteur, surtout de SFFF, trouvera un peu de soi dans Morwenna et que son histoire a quelque chose de formateur, même pour ceux qui ont depuis longtemps dépassé les épreuves de l'adolescence.
Et puis, d'une certaine façon, Jo Walton nous montre aussi, si toutefois nous ne le savions pas déjà, quel pouvoir les livres peuvent avoir sur notre vie. Une scène en particulier restera gravée à jamais dans ma mémoire.
Je pense relire ce roman un de ces jours, quand j'aurai acquis certaines références littéraires qui m'ont manqué lors de la première lecture.


J'espère que 2014 a été une aussi bonne année livresque pour vous que pour moi. Puisse 2015 être meilleure encore !

samedi 27 décembre 2014

La prisonnière du Kremlin, Spiridons T2

Un roman de Camille von Rosenschild publié aux éditions Don Quichotte.
Les tomes 1 et 2 forment un ensemble qui, s'il reste ouvert à une suite potentielle, peut être lu indépendamment.


Vous pouvez également consulter mon avis sur le premier tome.


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Spiridons 2




Résumé de l'éditeur (spoilers sur le premier tome) :
A-t-on seulement peur de mourir quand on est déjà mort ? À travers la Russie, l’Ukraine et les Carpates, le voyage fantastique d’un jeune aventurier escorté par une troupe de Spiridons, ces âmes défuntes aux allures de vivants.
Victor est un garçon pas comme les autres : à dix-huit ans, il se découvre le Don de réveiller les morts.
Cet étrange secret, conservé depuis des siècles par une communauté tzigane des Carpates, lui vaut bien des convoitises.
Accompagné de cinq spiridons, ces âmes errantes revenues du royaume des défunts, et poursuivi par une caste de moines borgnes aux desseins effrayants, notre héros est pris dans une incroyable odyssée aux confins de la Russie.



Vous pouvez lire cet avis sans risque de spoilers.


Le premier tome se terminant dans un suspense insoutenable, il m’avait été presque douloureux de quitter les personnages à ce point de ma lecture. J’attendais cette suite, je l’appelais de mes vœux, je la rêvais… Et je l’ai savourée à sa juste valeur, en tremblant, mains crispées sur mon livre, forcée de m’interrompre parfois quelques minutes tant le récit me troublait.
Rien qu’en repensant à cette lecture, les émotions qui y sont liées remontent, s’enroulent et se nouent en figures aussi complexes qu’improbables, j’en ai des frissons et une boule dans la gorge. Alors comment trouver les mots pour exprimer dans ce billet tout ce que ce fabuleux roman m’a inspiré ?
La prisonnière du Kremlin est une toile d’araignée tissée de nombreux récits épars, mais qu’on sait liés, comme dans le premier tome, bien que de façon plus insidieuse encore. Après tout, une toile reste un piège… Cette histoire est diaboliquement ficelée. Il faut se retenir de tourner frénétiquement les pages pour pouvoir en profiter pleinement et s’accorder le temps de formuler des hypothèses, cela fait partie, selon moi, du grand plaisir de lecture que les deux volumes peuvent offrir. L’auteur se joue quelquefois de son lecteur, mais il est indéniable qu’elle a confiance en l’intelligence de celui-ci.
Comme dans le premier volume, le rythme de l’histoire est particulièrement bien géré. Pas de temps mort, pas de repos pour le lecteur, mais un élan imparable. On voit que cette histoire a été polie avec finesse et patience. Camille von Rosenschild distille petit à petit des informations concernant ses mystérieux personnages. Elle les a construits avec soin et c’est un plaisir de suivre leur évolution.
Elle nous donne également au fur et à mesure toutes ces réponses que l’on attend avec fébrilité depuis le premier tome. Je les regardais avec angoisse s’épanouir lentement ou surgir incidemment, en prédisant certaines, tombant des nues souvent. C’est ce qu’il y a de très déroutant avec cette histoire : elle est terriblement singulière et possède pourtant ce petit quelque chose de familier qui fait qu’on a l’étrange impression qu’elle susurre ses plus sombres secrets à quelque chose de lointain, ancré dans la partie la plus inaccessible de notre imaginaire. C’est de l’ordre du ressenti, de l’instinctif. Ce récit est sombre et merveilleux à la fois. On ne peut s’empêcher de croire tout ce que l’auteur nous raconte, parce que cela sonne vrai et qu’une part de nous désire ardemment que ça le soit.
Le lecteur ne sait jamais par avance où le chapitre suivant va l’entraîner et voudrait être partout à la fois, à la suite de chaque personnage. C’est un tour de force de ne jamais le perdre dans les méandres de cette intrigue aux si nombreuses ramifications. J’ai été sans cesse tiraillée entre l’envie de faire durer ma lecture le plus longtemps possible et celle de tourner les pages frénétiquement pour savoir la suite. Ces deux tomes nous content un récit imprévisible et cette qualité-là n’a pas de prix.
Ce fut une lecture intense, passionnante et immersive. J’avais adoré le premier tome. J’attendais beaucoup du deuxième et il s’est révélé excellent au-delà de toutes mes espérances. Ce diptyque est entré avec fracas au panthéon de mes lectures favorites, celles qui m’ont fascinée, émerveillée, nourrie et qui m’accompagneront à jamais. L’auteur n’a pas choisi la facilité et, si cela m’a bouleversée, je ne peux néanmoins que l’en remercier. Il faudrait plus de fictions aussi atypiques que celle-ci.
Si la fin de La prisonnière du Kremlin reste ouverte, on peut néanmoins considérer le récit comme clos. Camille von Rosenschild a écrit une histoire ambitieuse, originale et complexe qui m’a laissée bouche bée, admirative. J’espère de tout cœur qu’elle écrira encore de nombreux ouvrages, qu’ils soient liés ou non à cet univers.
Les deux tomes des Spiridons ont été pour moi une fantastique aventure, ils sont les dignes représentants de tout ce que j’aime dans la lecture et j’espère vous avoir donné envie de les découvrir à votre tour.

lundi 15 décembre 2014

Abyssia

Roman graphique.
Textes de Tiphaine Zanutto et illustrations de Diane Ozdamar.
Publié aux éditions du Chat Noir dans la collection Graphicat.


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abyssia




Présentation de l'éditeur :
À une époque dominée par les technologies et les industries polluantes, les hommes détruisirent ce qu’il restait de la couche d‘ozone, gage de leur vie sur Terre. Contraints de coloniser un autre monde les abritant du rayonnement solaire meurtrier, ils trouvèrent leur salut dans les profondeurs marines.

Abyssia, cité encerclée par l'étrangeté aquatique, dernier bastion de l'humanité, se heurta à un peuple doué de conscience : les Nouveaux Atlantes.
Lui, presque homme, n'aurait, dans un monde normal, jamais dû ouvrir les yeux.
Il n'en fut pas ainsi.
Elle, si humaine, promise à une vie superlative, fut hélas condamnée à errer dans les abysses.
Comment Ernestine, créatrice funeste, scientifique funambule oscillant entre devoir et moralité, scellera-t-elle son destin et celui de Grim ?



Ce sont les illustrations qui m’ont décidée à m’offrir ce livre. J’achète rarement des ouvrages graphiques sans les voir auparavant, mais les éditions du Chat Noir ont mis en ligne une vidéo durant la période de précommandes. C’est comme cela que j’ai été ferrée et je ne le regrette pas, d’autant que j’ai eu une sublime dédicace.
L’ouvrage est superbe et toutes les illustrations magnifiques, à la hauteur de ce que j’en attendais (et je suis assez difficile). J’ai adoré les parcourir, en apprécier les détails et les couleurs… L’ambiance un brin steampunk m’a particulièrement plu. J’aurais pu craindre que l’histoire soit en reste face à un si bel écrin, mais il n’en est rien.
Les premières pages m’ont semblé un peu hésitantes, j’ai l’habitude que les scénarios de ce genre d’ouvrages soient plus concis et aillent droit au but. Je ne comprenais pas l’intérêt d’autant de personnages. Cela est venu petit à petit, créant une harmonie douce-amère dans ce reliquat de civilisation humaine, sous les eaux, en proie à une guerre qui affaiblit ses dernières ressources.
Il est étrange de découvrir une forme d’harmonie dans le désastre, mais ce fut le cas. J’ai trouvé de la beauté dans les mots, fragile et parfois effrayante.
L’histoire est belle et tragique, assez différente de ce que le résumé de l’éditeur m’en avait laissé supposer, mais je m’attarde en général peu sur les résumés, préférant garder la magie de la découverte. Je vous encourage à faire de même, au moins pour ce livre-ci.
Le personnage d’Ernestine, complexe et torturé, m’a émue. J’ai accompagné durant quelques pages son évolution dans ce monde hostile, j’ai vu croître l’opposition entre sa conscience et ce qu’elle pensait être nécessaire pour sauver son peuple. J’ai vu poindre l’issue inévitable et pourtant je m’interrogeais toujours.
Abyssia est un très bel ouvrage, dans le fond comme la forme, ce fut un plaisir de le lire et l’admirer.


Je me dois de préciser qu’il manque une page de texte à cette première édition. Elle a été ajoutée sous forme de feuillet, avec une jolie mise en page pour compenser.

dimanche 14 décembre 2014

Challenge Winter Mythic Fiction - Saison 2 !

Ce challenge vous est proposé par Lhisbei. Suivez le lien pour vous inscrire.


Vous souhaitez peut-être un petit topo sur le thème et les modalités ? (Oui, je copie/colle sans la moindre honte.)




Mythic Fiction ou Mythic Fantasy : une fantasy proche du merveilleux, des contes (qu’elle les réécrive ou qu’elle en invente) ou qui brode sur les mythes ou le folklore. Elle croise parfois la fantasy plus classique, le fantastique ou la fantasy urbaine.


Comme pour les éditions précédentes du challenge hivernal, il se déroulera du 21 décembre au 21 mars inclus et concernera les supports suivants : romans, nouvelles, BD, films et séries.



C'est un thème qui me parle et l'année dernière je m'étais évidemment inscrite. Malgré mon enthousiasme et le temps imparti, je me suis lamentablement vautrée. J'en ai encore terriblement honte aujourd'hui...
J'ai très peu lu en début d'année et rien qui entrait dans ce cadre. Mais j'ai une chance de ma rattraper, une PAL pleine de livres adaptés, cette année l'hiver sera mythique !
(Enfin, si je sors vivante du Grand Vaisseau.)


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challenge WMF

dimanche 7 décembre 2014

L'alchimiste de Khaim

Une nouvelle de Paolo Bacigalupi, publiée en format poche et en numérique aux éditions Au Diable Vauvert.


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L’alchimiste de Khaim est une courte nouvelle de fantasy qui rappelle beaucoup les fables et les contes. Dans ce monde, la magie existe mais est prohibée car elle favorise la pousse d’un roncier empoisonné, particulièrement résistant et volubile, qui envahit tout. Rien ne permet de s’en débarrasser, si on le brûle, les cosses éclatent et répandent des graines qui s’enracinent et se développent à grande vitesse. Un artisan, autrefois riche et aujourd’hui déchu, pratique la magie en secret pour soigner sa fille, alors qu’en parallèle il consume son existence dans la quête d’un moyen de détruire le roncier. Après de longues années de travail intensif, il touche au but, mais que feront les dignitaires de la cité de son invention ?
Je vous le disais, cela ressemble à un conte, ou une fable pour sa morale. C’est une histoire évidente, mais joliment racontée et la métaphore, aussi simple soit-elle, est bien trouvée. Elle peut s’appliquer à de nombreuses ressources que nous gaspillons et dont l’épuisement fatal nous fait avancer toujours plus vite vers notre chute.
L’alchimiste est un homme qui peut sembler égoïste au départ, effet renforcé par la scène qui nous le présente. Pourtant, en apprenant à le connaître, on se rend compte que derrière son orgueil se cache avant tout un humaniste, soucieux de sa patrie et de ses concitoyens. Il est émouvant et idéaliste dans sa quête désespérée contre le roncier, alors même qu’il se sent coupable de devoir utiliser la magie pour sauver sa fille quand d’autres, plus puissants, en usent pour nourrir leur folie des grandeurs. De fait, on sait d’avance qu’il risque quelques déconvenues, mais, comme lui, on espère, on veut avoir foi en l’humanité.
L’histoire est évidente, vous disais-je, mais peut aussi surprendre sur certains points. Elle m’a plu dans sa simplicité et la douceur de son écriture. En outre, je trouve qu’elle illustre bien le précepte « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Quant à savoir si l’alchimiste laissera son invention être dévoyée impunément, il vous faudra lire la nouvelle pour en avoir le cœur net.


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vendredi 5 décembre 2014

Morwenna

Un roman de Jo Walton publié aux éditions Denoël.
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Morwenna
Présentation de l'éditeur :
Morwenna Phelps, qui préfère qu'on l'appelle Mori, est placée par son père dans l'école privée d'Arlinghurst, où elle se remet du terrible accident qui l'a laissée handicapée et l'a privée à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Là, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres de science-fiction. Delany, Zelazny, Le Guin et Silverberg peuplent ses journées, la passionnent.
Un jour, elle reçoit par la poste une photo qui la bouleverse, où sa silhouette a été brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est une sorcière, sa propre mère qui plus est? Elle peut chercher dans les livres le courage de combattre.
Ode à la différence, journal intime d'une adolescente qui parle aux fées, Morwenna est aussi une plongée inquiétante dans le folklore gallois. Ce roman touchant et bouleversant a été récompensé par les deux plus grands prix littéraires de la science-fiction : le prix Hugo et le prix Nebula. Il a en outre reçu le British Fantasy Award.
Morwenna, dite Mori, est une adolescente un peu à part, qui croit aux fées et en la magie. Elle a 15 ans, souffre encore physiquement des séquelles d’un accident et demeure surtout profondément traumatisée par la mort de sa jumelle. Elle s’est enfuie de chez sa mère pour atterrir chez un père qu’elle n’a jamais connu. Elle a quitté son Pays de Galles natal et, s’il n’est pourtant pas si loin, elle se sent vraiment en pays étranger, d’autant plus qu’on l’envoie en pension dans un établissement scolaire huppé où elle ne se sent pas du tout à sa place.
Ce roman, de son titre original Among Others (tellement bien trouvé au regard du récit lui-même), est écrit sous forme de journal. Morwenna y consigne ses réflexions à propos de ses lectures et de sa vie en général. Elle ne trouve de réconfort que dans la lecture, du moins au début.
Dans les premières entrées de son journal, que d’ailleurs elle écrit en miroir, ce que je trouve très significatif, on sent l’opposition entre le « nous » et le « je », comme une rupture entre le passé et le présent. Morganna et Morwenna sont un peu comme Castor et Pollux ; Mori se sent entre deux mondes, à la fois morte et vivante, depuis le décès de sa jumelle. Le fantastique est savamment employé, l’adolescente est prise dans une perpétuelle oscillation entre deux mondes : le réel, avec son quotidien à l’école, sa solitude et ses soucis, puis le symbolique dans lequel elle pratique une magie simple, mais tortueuse, et où se meuvent ces fées qu’elle pense voir.
Cette histoire se déroule à la fin des années 70, époque marquante en ce qui concerne la SF, ce qui donne une saveur particulière au roman. Morwenna est une jeune fille fragile, mais combative, intelligente et touchante. Elle a vraiment l’impression d’être en quête, bien qu’elle ne sache pas forcément de quoi au départ quand elle essaie juste de limiter la casse et de se protéger de l’influence maternelle.
Les livres sont sa planche de salut, elle en dévore au moins deux par jour. En vraie lectrice compulsive, Morwenna parle beaucoup de ses lectures, surtout au début quand elle n’a pas grand-chose d’autre dans sa vie. Elle évoque de très nombreux titres. J’ai dû à peine lire le quart d’entre eux et pas forcément ceux qui lui donnent le plus à réfléchir, notamment les écrits de Delany. Cependant, je n’ai pas trouvé cela gênant, même si je me suis renseignée un minimum pour certains. Des références plus pointues sur ces textes aideraient sans doute à mieux la comprendre, mais d’un autre côté cela donne aussi envie de les lire.
Cela peut parfois sembler un peu ennuyeux pour qui n’est pas particulièrement bibliophile, Morwenna enchaîne tant de titres d’ouvrages, mais si on la comprend, si on sait qu’elle cherche à la fois à se protéger et à vivre dans ce monde grâce aux livres, on voit les choses sous un autre angle, au-delà de cette simple énumération. Les livres la nourrissent, la protègent, la guérissent, l’aident à grandir, comme une nouvelle gestation. Loin de chez elle, parmi des gens qui ne la comprennent pas, privée de sa sœur alors qu’elles n’avaient jamais mis de limite de personnalité entre elles deux, blessée, détestée par sa mère et près d’un père effacé qu’elle ne connaît pas, il ne lui reste plus que sa passion pour la littérature. En cela, je me suis sentie très proche d’elle.
Ce qui doit être retenu, selon moi, est que les livres sont sa manière de se confronter au monde, elle est en état de choc, c’est sa seule façon de l’appréhender sans devenir cinglée, comme une thérapie en quelque sorte. Ainsi elle a, sur les romans qu’elle lit ou la vie en général, des réflexions intéressantes alors que d’autres la feraient passer pour une complète extraterrestre. Elle ne sait tout simplement pas comment vivre parmi les autres. Parfois elle semble vraiment perturbée, le plus souvent déconnectée à tout le moins. Elle consterne le lecteur ou lui inspire un élan de tendresse. Elle est socialement inapte, ne connaît pas du tout les codes, mais c’est une fille attachante derrière sa froideur analytique et son pragmatisme qui tranchent face à ses croyances ésotériques. Elle a juste besoin de trouver des gens qui peuvent la comprendre et l’aimer telle qu’elle est.
Sa sœur est comme un fantôme mélancolique, symbolisant l’enfance qui disparaît et cette part de Mori dont elle se sent amputée. On la voit guérir peu à peu, chercher sa place et sa personnalité en tant qu’individu et non plus comme la moitié d’une paire de jumelles. C’est émouvant, on ne peut que se prendre d’affection pour elle.
La mère de Mori demeure par contre une présence malveillante qui plane comme une ombre sur la vie de sa fille, parfois discrète, d’autres fois pesante et inquiétante. Elle lui envoie des photos sur lesquelles elle lui a brûlé le visage. Est-elle réellement une sorcière comme sa fille le prétend ou juste une mère abusive complètement folle dont sa famille n’a pas su la protéger ? On se pose beaucoup de questions sur ce qui est arrivé aux jumelles et j’ai beaucoup aimé que les réponses ne viennent que petit à petit.
C’est une belle lecture, jamais trop glauque, le fantastique est subtil la plupart du temps et je me suis un peu retrouvée dans cette adolescente amatrice de SF. J’ai aimé la voir grandir et tenter de se libérer de son passé.
Le seul point négatif se trouve pour moi dans les derniers chapitres qui m’ont semblé abominaffreusement niais par moment. Je n’aime pas du tout le personnage de Wim dont le seul intérêt est selon moi la forme de faux palindrome de son prénom… (Je sais, j’ai un souci avec ça…) Ce qui me gêne principalement avec lui est qu’il casse la dynamique fantastique de l’histoire en s’invitant dans le monde symbolique de Mori, alors que là n’est pas sa place. C’est vraiment dommage, cela a presque réussi à gâcher ma lecture. Néanmoins ce récit m’a tant apporté que je peux bien lui pardonner.
Ce roman ne plaira pas à tout le monde. Il faut avoir envie de s’enterrer vivant avec Morwenna dans son quasi autisme. C’est une fille intelligente, mais vraiment déconnectée, et sa pensée, bien que réfléchie et pragmatique, peut se révéler aussi vive et claire que lourde et hachée. Quant à moi, j’ai trouvé passionnante l’histoire de cette jeune fille et je crois qu’elle séduira sûrement les amateurs de fantastique, de merveilleux, les bibliovores de tous poils, surtout ceux qui sont férus de SFFF, les gens prêts à croire et ceux qui aiment les personnages très développés.
En chaque grand lecteur, il y a forcément un peu de Morwenna. Ce roman a mérité sa place dans mon carnet nuit, réservé aux ouvrages les plus marquants dans ma vie de lectrice.

Je vous invite également à consulter les avis de Lune et Méli.

samedi 29 novembre 2014

La Captive du temps perdu

Un roman de Vernor Vinge, publié au Livre de Poche.


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Attention, si vous n'aimez pas trop en savoir avant de commencer une lecture, ne lisez pas le résumé de l'éditeur !


Ils voyagent dans le temps mais à sens unique, vers l'avenir, dans des bulles de stase qui leur permettent de franchir les siècles ou les millions d'années.
Ils ne sont plus que trois cents. Toute l'humanité, qui se cherche un nouveau pays d'années. Et lorsque Marta Korolev meurt, assassinée d'une façon étrange et effrayante, naufragée de la temporalité, ils savent qu'un assassin se cache parmi eux.
Que Wil Brierson, l'unique policier de la communauté doit démasquer.
Avant qu'il n'extermine le reste de l'espèce humaine...


Vernor Vinge, l'un des meilleurs auteurs américains de science-fiction, vient d'obtenir le prix Hugo de l'an 2000 pour son roman A Deepness in the Sky. II l'avait déjà reçu en 1973 pour Un feu sur l'abîme, publié dans la même collection.



Dans La Captive du temps perdu, l’humanité est prise au piège de sa propre science, toute entière propulsée dans une fuite en avant. Elle survit tant bien que mal, avec les vestiges de sa technologie pour seul rempart, tentant de rassembler les derniers membres de l’espèce humaine et de les unir au-delà de leurs querelles pour se donner une meilleure chance de repartir dans la temporalité.
Vers le XXIe siècle, l’homme a maîtrisé la stase et évidemment fait un peu n’importe quoi avec. Certains s’en sont emparés pour fuir vers le futur, d’autres comme arme contre des personnes gênantes. C’est devenu pour eux la meilleure façon de faire un bond dans le temps, quel que soit leur motif de départ. La problématique est traitée de manière très intéressante et les théories de l’auteur m’ont captivée tout au long du roman.
Cependant, le problème majeur de ces voyageurs à sens unique n’est pas des moindres : l’humanité a mystérieusement disparu aux alentours du XXIIIe siècle et ils se sont trouvés piégés, certains sans ressources. Ceux qui l’ont pu sont retournés en stase en espérant du secours. Celui-ci est parfois venu sous la forme de Marta et Yelen Korolev, femmes aussi prévoyantes que dirigistes, qui essaient de sauver l’humanité en recueillant dans leur colonie tous les humains qu’elles peuvent trouver.
Ainsi se voient embarqués dans une même galère des humains venus des deux derniers siècles avant la mystérieuse extinction de leur espèce, devant faire face à leurs différences ou à leurs conflits passés, possédant une technologie avancée pour certains et qu’ils ne partagent pas forcément. Il est passionnant de voir confrontés ainsi et forcés de vivre ensemble des gens si différents et de découvrir cette histoire supposée des conflits mondiaux qui pourrait bien être la nôtre un jour.
On se pose beaucoup de questions au cours de cette lecture… Qu’est-il advenu de l’humanité ? Les survivants pourront-ils sauver leur espèce ? Et, surtout, qui menace la colonie dans l’ombre ?
J’ai adoré ce roman, à la fois mélange de polar et de science-fiction spéculative.
Bien sûr, il est un peu difficile d’accès au départ, quand tout se met en place et que l’on ne sait pas encore où l’auteur nous emmène. Cela fait beaucoup d’informations, assez hachées, et dont les enjeux restent obscurs un bon moment. C’est pour cela que j’ai insisté sur la situation de départ, même si en fait j’en ai très peu raconté. Je pense que si vous décidez de lire La Captive du temps perdu, mon petit résumé vous rendra bien service pour entrer dans l’histoire.
Si l’on fait preuve de patience avec ce récit qui se construit petit à petit, il devient très vite prenant car de nombreux mystères attendent d’être résolus. Pour les éclaircir, nous suivons Wil W. Brierson, ancien flic, expédié dans une bulle vers le futur par quelqu’un qu’il s’apprêtait à démasquer au cours d’une enquête. Vous levez les yeux au ciel, vous trouvez cela terriblement déjà-vu ? Rassurez-vous, c’est bien mieux que cela n’en a l’air. Brierson se trouve face à trois problèmes. Certes il y en a un qui occupe toute la colonie : savoir ce qui a provoqué l’extinction et si c’en est vraiment une, mais pour Brierson, le plus important est surtout de découvrir la personne qui l’a expédié vers le futur et qu’il sait se trouver parmi les rescapés. Cela en soi est source de tension et suffirait à l’occuper, cependant un meurtre, aussi habile qu’odieux, vient mettre en danger toute la colonie et c’est véritablement sur cette affaire-là qu’on lui demande de travailler. La situation dans laquelle s’est trouvé un personnage charismatique, le menant ainsi jusqu’à la mort, est le pivot du récit et, d’une certaine façon, touche aussi de très près Brierson.
J’ai beaucoup aimé le suivre dans ses enquêtes, surtout celle concernant le meurtre qui m’a véritablement entraînée dans l’histoire et fait tourner les pages plus vite. Cette affaire est particulièrement machiavélique et prend un peu le pas sur les autres, même si l’on continue de s’interroger sur le reste. Cela m’a plu de découvrir les théories des uns et des autres, mais surtout de me forger les miennes. L’auteur a très bien su rendre ce huis-clos temporel, étourdissant quand on réfléchit à toutes ses implications. Les personnages peuvent paraître traités de façon un peu superficielle car on entre rarement dans leurs pensées, néanmoins, je les ai trouvés fascinants et bien construits. Je me suis beaucoup attachée à certains : Wil, malgré sa dualité, Marta et sa force de caractère, Yelen qui tente de maintenir debout un château de cartes sans cesse près de l’effondrement et l’étrange Della, mais aussi les frères Dasgupta, que l’on voit pourtant si peu, et tant d’autres encore. Ce sont des personnages crédibles, très humains.
Imaginez ces quelques trois cents personnes, tout ce qui reste de l’humanité, captives des millions d’années après leur ère, ressentez leur solitude face à l’immensité de leur tâche alors qu’elles continuent, presque malgré elles, de fuir vers l’avant à la recherche d’une solution qui ne peut venir que d’elles-mêmes. D’une certaine façon, c’est très poétique et tragique tant cela nous montre à la fois la fragilité et la force de l’humanité.
J’ai échafaudé plein d’hypothèses au cours de ma lecture, sur toutes les questions que l’on peut se poser, mais surtout sur le meurtre car les indices, distillés au fur et à mesure, font indubitablement cogiter le lecteur. À la fin, il m’en restait deux, dont la bonne (l’autre étant le fruit de mon esprit paranoïaque, comme d’habitude). J’ai trouvé que les derniers chapitres s’essoufflaient un peu, mais ça reste un très, très bon roman et la conclusion, qui rappelle en quelque sorte les romans d’Agatha Christie, m’a beaucoup plu. Elle montre toute l’évolution des personnages suite à ces événements traumatisants. C’est une lecture que je recommande aux gens patients, qui aiment résoudre des énigmes en même temps que le personnage principal et apprécient une science-fiction qui pousse à la réflexion.


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Féelure

Une novella de Silène Edgar parue en numérique dans la collection Snark de Bragelonne.


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Présentation de l'éditeur :


Le jour, Gwen est une personne tout ce qu’il y a de plus ordinaire : elle a un emploi précaire à la bibliothèque de la ville, un mari aimant et deux beaux enfants.


Mais chaque nuit, elle est fée et travaille à la BAKF, la Brigade anti-kidnapping de fées. Et justement, de récentes disparitions leur donnent du fil à retordre... Avec son coéquipier et ami Arthur, elle va vite découvrir que cette nouvelle affaire pourrait être plus sensible que prévu.


Pourtant, si dangereuse que soit cette nouvelle enquête, ce n’est qu’une épine parmi d’autres dans le pied de Gwen. Car au prochain solstice, elle va devoir faire un choix : rester humaine avec son mari et ses enfants, ou abandonner son ancienne existence et devenir fée pour toujours aux côtés d'Arthur...



J’ai un faible pour les récits féeriques, Féelure a donc immanquablement ferré ma curiosité rien qu’avec son titre. Il s’agit d’une novella (dans les 75 pages de texte sur ma liseuse), parue uniquement en numérique pour l’instant. Elle se lit extrêmement vite et a le mérite de posséder une idée de départ plutôt originale.
Gwen a deux vies. En journée, elle est une femme tout ce qu’il y a de plus banale, elle mène une existence agréable, mais pas parfaite, auprès de son mari et de ses deux enfants. La nuit, dans ses rêves, elle devient fée et traque ceux qui s’en prennent au peuple féerique. Le problème de Gwen est que ces deux vies si différentes ne peuvent coexister qu’une année, ensuite elle devra faire un choix.
L’idée de fond est singulière et change un peu, cependant la façon dont elle est traitée reste assez basique. Malgré une intrigue secondaire simple, mais qui amène un peu d‘énergie, le tout s’essouffle malheureusement assez vite. Les jeux de mots filés à travers le récit deviennent vraiment lassants au bout d’un moment, même si l’on en trouve des fins aussi bien que de très lourds.
Les personnages sont relativement sympathiques, mais manquent de profondeur, de même l’intrigue se veut une distraction plus qu’une réflexion sur le sujet. C’est un choix, il n’est pas mauvais en soi, mais j’aurais préféré quelque chose de plus consistant.
La fin, beaucoup trop facile à mon goût, m’a un peu déçue, cependant cela reste une chouette lecture pour qui est amateur d’histoires de fées.


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vendredi 28 novembre 2014

L'héritière

Un roman de Jeanne-A Debats publié chez ActuSF.
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heritiere
Présentation de l'éditeur :
Je m'appelle Agnès Cleyre et je suis orpheline. De ma mère sorcière, j’ai hérité du don de voir les fantômes. Plutôt une malédiction qui m’a obligée à vivre recluse, à l’abri de la violence des sentiments des morts. Mais depuis le jour où mon oncle notaire m’a prise sous son aile, ma vie a changé. Contrairement aux apparences, le quotidien de l’étude qu’il dirige n’est pas de tout repos : vampires, loups-garous, sirènes… À croire que tout l’AlterMonde a une succession à gérer ! Moi qui voulais de l’action, je ne suis pas déçue… Et le beau Navarre n'y est peut-être pas étranger.

Romancière, nouvelliste et anthologiste, Jeanne-A Debats a convoqué les figures les plus flamboyantes du fantastique pour une romance douce-amère dans la Ville Lumière. Plume reconnue de l'imaginaire français, sa novella La Vieille Anglaise et le continent a été lauréate du Grand Prix de l'imaginaire, des prix Julia Verlanger et Rosny aîné.
Enfin un peu d’originalité en urban fantasy ! Vous en avez marre des bombasses bipolaires qui pourchassent des gros méchants criminels surnaturels en ayant pourtant toujours peur de se casser un ongle ? Alors lisez L’Héritière !
Dans ce roman, pas d’héroïne flic ou détective. Notre narratrice est Agnès, jeune femme banale en apparence mais néanmoins fille de sorcière. Son père étant humain, Agnès n’a pas hérité des talents de sa mère, cependant elle possède tout de même un don bien encombrant. Elle est médium, mais ne contrôle pas son pouvoir. Toute émotion résiduelle peut créer un fantôme et elle les voit tous : les angoisses des gens, les morts qui s’attardent, etc. Sa vie est un cauchemar et elle se tient recluse, jusqu’à ce qu’un événement tragique la sorte de sa retraite.
Malgré son pouvoir, Agnès est un personnage un peu plus proche de la lectrice lambda que les femmes que l’on croise d’habitude en urban et cela la rend vite attachante. Ceci dit, tous les personnages de ce récit le sont, même les plus tordus ont leur charme. Ils sont originaux, mystérieux, ont une histoire personnelle intéressante et évoluent dans un monde tout aussi bien construit. L’idée de situer l’intrigue autour d’une étude notariale est vraiment bien trouvée. Plutôt que de toujours chasser les surnaturels rebelles, on s’intéresse pour une fois aux stratagèmes qu’ils ont imaginés pour vivre parmi les humains sans se faire repérer depuis des siècles. J’ai apprécié la façon dont Jeanne-A Debats envisage le fonctionnement des cénacles de vampires et des meutes de loups ainsi que la façon dont ceux-ci s’inscrivent dans notre histoire. Son univers est basé sur une bonne connaissance du folklore, mais avec sa touche personnelle qui, bien entendu, donne à réfléchir tout en étant ludique. J’ai hâte de lire d’autres histoires de la même trempe reprenant ces personnages.
L’Héritière peut se lire indépendamment, mais s’inscrit dans une toile que l’auteur va développer dans d’autres ouvrages et qu’elle nomme Testaments. On a déjà pu voir par-ci par-là certains personnages dans des nouvelles et l’un d’eux, Navarre, est aussi le narrateur d’un roman paru chez Ad Astra : Métaphysique du vampire. On peut lire L’Héritière sans connaître le personnage, mais Navarre fait partie de mes vampires préférés tous genres confondus et je ne peux que vous encourager à découvrir l’excellent roman qui lui est consacré.
L’Héritière est une pépite dans un genre dont les parutions se ressemblent malheureusement de plus en plus. Ce récit est drôle, agréable à lire et l’auteur y fracasse allègrement les clichés. Il y a quelques passages un peu longuets, parce qu’Agnès, toute sympathique et humaine qu’elle soit, se montre aussi parfois un peu gourde, ce qui se ressent doublement puisqu’elle est la narratrice de cette histoire. Toutefois, ce n’est qu’un inconvénient mineur et l’ensemble, très réussi, m’a offert une excellente lecture.

mardi 25 novembre 2014

L'étrange cabaret des fées désenchantées

Un très bel album de 146 pages, écrit et illustré par Hélène Larbaigt et publié chez Mnémos dans la collection Ourobores.
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Etrange-cabaret
Présentation de l'éditeur :

Préface de Claudine Glot, postface de Pierre Dubois

Grouillant et grinçant, tel un concert de voix dissonantes, il s’avance.
L’Étrange Cabaret, le cirque des curiosités, le spectacle de monstres chimériques, le music-hall des fées désenchantées.

Oserez-vous franchir ses lourdes tentures pourpres pour assister au plus dangereux et déli­cieux des spectacles ?
Voyagez avec les fées de la Belle Époque, dans les cités du Vieux et du Nouveau Monde, mais méfiez-vous, le Cabaret recèle des secrets qui vous envoûteront… Que s’est-il passé dans la loge 633 que l’on dit hantée, où une fée fut assassinée ? Que cherche réellement Morte Vanité, elle qui fait errer le Cabaret à travers le monde entier ?

Dans une ambiance steampunk, Art nouveau et burlesque, Hélène Larbaigt nous livre une œuvre étonnante entre Lewis Caroll et Tim Burton.
À la fois récits, portraits et contes, ce livre dévoile 12 fées sombres et mystérieuses au travers de plus de 80 magnifiques illustrations, affiches, menus et documents facsimilés.

Helène Larbaigt nous montre son immense talent dans ce très beau livre enchanteur. Une prouesse et la révélation d’une artiste complète qu’ont immédiatement salués dans leurs préface et postface, Claudine Glot et Pierre Dubois, les deux grands spécialistes des fées.

L’Étrange cabaret est un magnifique livre illustré, cartonné.

« Mortels, entendez-vous cet écho lointain ? C’est la maléficiante mélopée d’un mélancolique cabaret. »

Magnifiques, envoûtants, sombres, déliquescents, marqués du sceau de la fatalité à tous les égards, ainsi se présentent à vos yeux ébahis l’Étrange Cabaret et ses fées désenchantées ! Morte Vanité, la sublime, avec sa troupe de fées écorchées, ses insolites serviteurs et son Cabaret qui change de forme et de lieu à l’envi, vient pour enchanter les humains ou les perdre, allez savoir…
Dans notre monde désenchanté, où la magie se fait rare et se paie au prix fort, le Cabaret apparaît comme l’un des derniers vestiges, à la fois désuet et résistant, d’une autre époque, plus féerique, plus vivante. Il est le refuge des fées perdues, malmenées, désavouées autant que désabusées et les âmes humaines viennent s’y brûler comme de fragiles papillons attirés par la lumière.
Le goût du détail d’Hélène Larbaigt, dans le dessin comme dans le texte, est acéré et ravira le lecteur exigeant. Le vocabulaire est recherché, précis et précieux à la fois, tout en finesse, pour affermir l’aspect suranné des histoires qui nous sont ici contées et rehausser leur écrin de couleurs.
Élégant, raffiné, l’Étrange Cabaret a été poli avec soin par son auteur qui en a fait une vraie merveille, délicieuse à feuilleter, mais également à lire. Suçant la moelle des légendes qui sont elles-mêmes des mythes tronqués, le cabaret se nourrit de notre imaginaire et nous le restitue de manière forte et évocatrice, faisant ainsi revivre à sa façon de vieilles histoires, éveillant des échos dans nos mémoires de rêveurs engourdis.
Des affiches, programmes, menus jalonnent les pages et renforcent l’ambiance ainsi que la cohérence de cet univers, tout en lui ajoutant une esthétique élégante. L’auteur nous présente certaines des fées, les têtes d’affiche pourrait-on dire, nous raconte leur naissance, ce qui les a amenées au cabaret ou d’autres mésaventures qui leurs sont arrivées en cours de route. Toutefois, prenez garde, aucun détail n’est laissé au hasard, il y a des strates dans ces récits et il ne tient qu’à vous de les explorer.
J’ai particulièrement aimé le conte de Noël et la magie, si bien retranscrite, de la ville de Prague qui y est dépeinte. Cependant, toutes ces histoires, ces belles et tristes vies de fées, sont magnifiques et émouvantes. Toutes m’ont séduite et passionnée. Vous aussi, venez à la rencontre d’Ona Oknata et de sa destinée aussi remarquable que cruelle, de Bast la rugissante, de Morte Vanité et du fantôme aux mains rouges qui hante le blanc d’entre les lignes, compatissez aux peines de cœur de Rosie la veuve noire et aux amours maudites de Sa’di… Venez réchauffer votre imagination au brasier de leur féerie !
Je me suis attachée à toutes ces fées bigarrées, abîmées et néanmoins fortes, victimes autant que nous du désenchantement, mais qui se battent pour rester vivantes. En outre se trouve, caché entre les pages, un magnifique hommage à un auteur que j’adore et qui m’a exquisément ravie. Je ne saurais dire quel conte a ma préférence, car tous sont liés et tissent la mélopée, aussi mélancolique soit-elle, de ce fabuleux cabaret.
Petit à petit, entre ces portraits et ces histoires pleines de cachettes et de recoins l’on découvre en filigrane le cabaret lui-même, personnage à part entière, se mouvant comme le château de Hurle pour paraître dans le lieu qui sied à son humeur — ou serait-ce à celle de la mystérieuse fée aux bottines parfumées ? Fantasque, burlesque, peuplé de créatures singulières et fascinantes, il donne envie au lecteur de se perdre dans son univers inquiétant, de suivre la cohorte des Jack pour explorer ses corridors et rencontrer ses fatales pensionnaires.
Comme une enseigne qui brille à l’attention des amateurs qui se reconnaîtront immédiatement, l’ouvrage est préfacé par Claudine Glot, qui donne le ton, et postfacé par Pierre Dubois qui nous reconduit gentiment vers la porte, bien qu’avec une gouaille un peu grimaçante pour la forme.
Une fois la dernière page tournée, l’histoire bue jusqu’à la lie, je me suis sentie bien seule et nostalgique, loin des lumières de ce cabaret brinquebalant et de ses fées tant aimées. Alors dans la nuit je vais guetter l’écho lointain, la maléficiante mélopée d’un mélancolique cabaret et j’invite tous les rêveurs à faire de même.

morte_vanite 
Je vous présente Morte Vanité. N'est-elle pas magnifique ?

dimanche 23 novembre 2014

Le boudoir aux souvenirs

Une nouvelle de Cécile Guillot, disponible sur The book edition.


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Le boudoir aux souvenirs -Cécile Guillot




Passez les portes du Boudoir...
Rencontrez sa singulière vendeuse et laissez-vous conter l'histoire de ces robes fabuleuses...



Le boudoir aux souvenirs est un petit livret dont la jolie couverture aux teintes roses et beiges, à l’image de la boutique dont il est question dans la nouvelle, fait délicieusement vintage et met tout de suite le lecteur dans l’ambiance.
La nouvelle est assez courte, une trentaine de pages, mais c’est un très beau texte. Elle est auto-éditée et vous trouverez peut-être le prix un peu élevé, mais cela vaut le coût aussi bien que le coup.
Il s’agit de fantastique, un genre que j’affectionne tout particulièrement. C’est un texte d’ambiance, dont le rendu est excellent, cependant l’histoire elle-même est consistante. La littérature se mêle à la mode et aux souvenirs d’un personnage qui semble froid de prime abord et qui se révèle attachant, voire fascinant, en pourtant peu de pages. Les robes présentes dans la boutique et les anecdotes qui leurs sont liées à travers les époques sont le fil rouge du récit. J’ai beaucoup apprécié cela, d’autant que l’auteur a eu la bonne idée d’ajouter en bonus des images de ces robes à la fin du livret, ce qui permet de les visualiser au mieux.
S’attacher à ce qui peut sembler de l’ordre du détail est une excellente façon de voyager à travers les souvenirs du personnage et surtout de suivre son évolution personnelle en même temps que celle de la mode ou de la pensée humaine. Je ne vous dirai pas quels sont les éléments fantastiques de cette nouvelle, mais le choix n’est pas étonnant quand on connaît les écrits de l’auteur et j’en ai été ravie.
Le boudoir aux souvenirs est avant tout le récit d’une émancipation, une très belle histoire douce-amère, très féminine et, pour moi, un petit coup de cœur.


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dimanche 16 novembre 2014

Premier sang, Ladainian Abernaker Ep6

Une nouvelle de Lydie Blaizot, publiée en numérique aux éditions du Petit Caveau.


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Ladainian Abernaker 6




Résumé de l'éditeur :
Des loups-garous débarquent à Chicago avec un objectif précis : déclarer la guerre aux vampires de la ville. Abraham O'Leary est chargé de verser le Premier Sang et sa cible, malheureusement pour lui, n'est autre que Ladainian. Son échec cuisant l'amène à douter des véritables motivations de son Alpha et, aidé par le vieux vampire, il va tenter de découvrir la vérité. Abernaker, de son côté, compte bien mettre de l'ordre dans ce foutoir, à sa manière, avec une arrière-pensée égoïste : ramener un peu de paix dans sa ville.



Le vieux vampire est de retour ! Toujours aussi revêche et calculateur, il a une façon bien à lui de régler le sort des inconscients qui viennent l’enquiquiner. Depuis le temps, j’ai du mal à comprendre qu’ils n’aient pas appris à le laisser tranquille dans son bar à écouter du blues… Mais que voulez-vous, les créatures surnaturelles aiment chercher les ennuis ! Et puis il faut également reconnaître qu’un si vieux vampire, avec autant de pouvoir, ne peut qu’attirer les convoitises…
Si vous suivez ce blog, vous savez qu’Abernaker est l’un de mes vampires préférés, principalement parce qu’il est tel que je les imagine, loin des paillettes et de la séduction, et surtout qu’il a ce caractère bien particulier qui amène tant de peps à ses aventures. Cependant, je dois bien l’avouer, celle-ci est loin d’être ma préférée. L’histoire est distrayante, mais un peu plate et répétitive dans son déroulement.
L’idée de confronter le vieux grincheux à des loups-garous me plaisait beaucoup mais reste assez peu développée. Les personnages interagissent à peine les uns avec les autres, le récit est très visuel, sans grand suspense. Cette nouvelle vaut surtout pour ce qu’elle amorce dans sa conclusion et qui pourrait se révéler très intéressant dans les prochaines aventures d’Abernaker.
Ce feuilleton reste néanmoins l’un de mes préférés, j’aime la façon dont les nouvelles se font écho, tout en restant indépendantes les unes des autres. On apprend ainsi à connaître les personnages secondaires par touches et on ne sait jamais lesquels on va retrouver ni comment la situation va évoluer. La suite est annoncée pour le mois de mars 2015 et, comme d’habitude, je me jetterai dessus dès sa sortie.


Vous pouvez retrouver mes billets concernant les épisodes précédents en suivant ce lien.


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dimanche 2 novembre 2014

À Argol il n'y a pas de château

De Philippe Le Guillou, publié chez Pierre-Guillaume de Roux Éditions.

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Argol


Présentation de l'éditeur :
De l'amitié, nouée dès 1931, avec Quéffelec, le finistérien, compagnon de Normale Sup ; naîtront voyages et promenades, émaillées de conversations mais aussi de silences... C'est au gré de cette exploration inlassable, à l'embouchure soudaine des paysages marins de Bretagne, que Julien Gracq, l'homme de la Loire, bâtira son château intérieur, pierre angulaire d'une oeuvre vouée au mystère et à la re-création permanente. Le lumineux hommage, en forme de pèlerinage secret, de Philippe Le Guillou à l'auteur mythique du Château d'Argol et du Rivage des Syrtes.


À Argol il n’y a pas de château se révèle à la fois essai et carnet de notes, souvenirs en vrac, pensées éparses, tous tenus ensemble par le fil rouge de l’amitié et d’une admiration sans borne. Philippe Le Guillou nous parle de l’homme tel qu’il l’a connu : Louis Poirier le professeur discret, fuyant les honneurs et Julien Gracq de son nom de plume, le conteur tant aimé de ses lecteurs, cartographe de l’attente et inlassable écrivain d’une Onirie à la frontière de l’éveil, toujours prête à basculer.
Cet essai fragmenté, dont la forme aurait sans nul doute beaucoup plu à Gracq, est composé de courts chapitres, des feuillets arrachés aux souvenirs. L’homme et l’auteur sont dessinés par touches, la plume effleurant les contours d’une silhouette qui s’échappe. Comme j’ai aimé deviner Louis et Gracq dans ces pages !
L’auteur nous parle des amitiés de Gracq, du surréalisme, de la magie particulière qui se dégage de ses écrits, de sa façon de concevoir l’écriture, de la marche et de l’attente, d’Argol et de la forêt ardennaise… Tout cela au gré de ses remembrances.
Je suis pour ma part persuadée que Gracq est de ces auteurs qu’on vénère d’emblée, et qu’alors on aimera toujours, ou que l’on délaisse à jamais si l’on n’est pas aussitôt happé par ses récits.
Ce fut lors de ma première année à l’université que je lus pour la première fois les écrits de Julien Gracq. J’avais pris, pour diverses raisons triviales, la très mauvaise habitude de sécher le cours de littérature comparée malgré l’intérêt que j’avais pour les œuvres étudiées au premier semestre et que je connaissais déjà. Néanmoins, en fille sérieuse, j’acquis les deux lectures du second semestre : Au château d’Argol et Le rivage des Syrtes. Pour quelle obscure raison choisis-je de commencer par Au château d’Argol ? Je n’en sais rien, mais une fois les pages soigneusement coupées et la première d’entre elles nonchalamment tournée, je fus prise dans les rets de l’écriture de Gracq et je tombai immédiatement amoureuse de ce roman. Aurai-je eu le même coup de foudre si j’avais commencé par Le rivage des Syrtes ? Je suis persuadée que non, bien que ce roman soit tout aussi remarquable.
Le fait est que je n’ai plus, sans doute au grand étonnement de mon professeur, jamais séché un cours de littérature comparée durant les quelques années que j’ai passées à regarder le temps filer à l’université. Qu’ils aient parlé de Gracq ou non, ces cours sont de loin mon meilleur souvenir de cette époque, ils m’ont beaucoup appris, tout en étant ma récréation de la semaine.
J’ai beaucoup digressé, je le crains. Je ne suis pas coutumière des anecdotes personnelles, chaque ouvrage que je lis mérite que je m’oublie pour mieux parler de lui, mais c’était à l’aube de ma vingtaine et Gracq m’a vraiment aidée à me construire. Il y a quelque part dans ma cartographie intérieure un château, un cimetière, une forêt, une chapelle…
Tel est l‘incipit de mon histoire d’amour avec Au château d’Argol, roman qui n’a cessé depuis d’exercer sur moi une certaine fascination et est devenu une sorte de Mystère personnel. Il fallait que je vous raconte cela pour que vous compreniez mon attachement à son auteur.
C’est avec une grande nostalgie que je repense toujours à cette première rencontre avec Gracq et à ces pages découpées durant ce moment à part qui précède la lecture. Couper les pages pour libérer les mots. Prisonniers, ils n’aspirent qu’à s’échapper. C’est un rituel désuet que je regrette pourtant, quelle mélancolie s’est emparée de moi quand j’ai acquis, il y a peu de temps, un roman de Gracq dont les pages lisses, massicotées, étaient déjà prêtes à être tournées…
Je n’ai connu Gracq qu’en tant que lectrice admirative et pourtant je ressens la justesse des mots de Philippe Le Guillou quand il trace d’une plume tendre et nostalgique les contours de la silhouette de Julien Gracq. Il n’analyse pas l’homme, il l’esquisse, il ne raconte pas ses écrits, il les évoque.
Cet essai est un chant d’amour pour Gracq à l’usage de ceux qui l’ont lu ou non. Il pourrait vous montrer comment approcher l’ombre de l’homme cachée derrière ses œuvres. C’est une excellente lecture pour mieux connaître Gracq et effleurer ses écrits, pour ceux qui l’aiment déjà et ceux qui aspirent à trouver une porte dérobée vers sa littérature.
Cela m’a donné envie de lire Le dernier veilleur de Bretagne et j’ai dans ma bibliothèque, comme je le disais, un roman de Gracq aux pages soigneusement massicotées que je ne connais pas encore et que je compte déguster.
Je remercie chaleureusement l’auteur et l’éditeur pour ce pèlerinage en terre gracquienne.

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dimanche 26 octobre 2014

Petite réflexion de livropathe...

Quand je suis vraiment déprimée, j'achète un livre. Alors quand on voit le nombre de bouquins qu'il y a dans ma bibliothèque, on peut légitimement se demander si je ne suis pas une dépressive chronique.

vendredi 24 octobre 2014

The Graveyard Book - audiobook

Un roman de Neil Gaiman, publié chez HarperCollins pour les versions imprimée et audio.
Disponible en français en édition de poche chez J'ai lu sous le titre L'étrange vie de Nobody Owens.
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Échappant de justesse à un meurtrier venu exécuter toute sa famille, un petit garçon aventureux qui ne sait pas du tout quel danger le guette se réfugie dans un cimetière et va, contre toute attente, y trouver un foyer en plus d’une protection bienvenue. Ça paraît simple, peut-être un peu sombre aussi, mais ce n’est pas le cas. Si les ressorts du récit sont on ne peut plus classiques, il est indubitablement magique et vous enchantera, que vous choisissiez la V.O. ou la V.F., que vous le lisiez ou l’écoutiez. Ce récit est tendre, un peu mélancolique parfois, mais surtout beau et inspirant. C’est le genre d’histoires qui, personnellement, me réconforte.
J’ai tout d’abord lu ce roman en français au moment de sa sortie chez Albin Michel. J’ai l’impression que c’était hier et pourtant un peu plus de cinq ans se sont écoulés depuis. Pour son grand format, l’éditeur français avait doté cet ouvrage d’une très belle couverture, avait eu en outre le bon goût de garder les illustrations intérieures, mais m’avait terriblement déçue en changeant le titre, jugeant sans doute l’original peu vendeur dans sa traduction. « Le livre du cimetière », ça fait tout de suite très glauque… Et pourtant il me parle ce titre... Ce roman, un de ceux de Gaiman que je préfère, ce qui n’est pas peu dire, le porte tellement bien ! Il y a une magie qui s’en dégage, qui me ramène à celle que j’étais enfant, alors que j’apprécie aussi d’être adulte pour le lire, car cela me permet de saisir d’autres nuances que je n’aurais pas perçues plus jeune.
J’aime cette histoire car elle nourrit la rêveuse qui est en moi en m’offrant quelque chose de délicieusement confortable car familier, avec plein de références à des contes, comptines ou lectures qui me parlent et me font sourire, mais aussi un récit résolument original. C’est un des grands talents de Gaiman que de puiser dans ce chaudron qu’est notre imaginaire pour remodeler à sa guise des histoires bien connues, sans faire du déjà-vu.
Avant toute autre source, l'auteur nous le dit dans la postface, ce récit s’inspire du Livre de la Jungle. Ce n’est pas forcément flagrant quand on ne lit pas les deux à peu de temps d’intervalle, pourtant le titre à lui seul nous renseigne à l'avance. Le parallèle entre les deux ouvrages m’a toujours fascinée.
Le livre de la Jungle, (qui en fait devrait s’appeler la bible de la Jungle étant donné l’influence religieuse indéniable qui sourd de ses pages) est un recueil de nouvelles qui, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, ne porte pas que sur Mowgli. The Graveyard Book est construit comme un roman et un recueil de nouvelles en même temps, il y a un arc principal qui s’étend sur tout le récit, mais chaque chapitre offre une histoire à part entière dans la vie de Bod. Les deux gamins grandissent un peu de la même façon, subissent des épreuves qui se font écho, la portée religieuse sous-jacente en moins chez Gaiman. La ressemblance entre les deux livres est notamment flagrante dans le chapitre qui traite de la porte des goules, un de mes préférés, qui fait aussi référence à Lovecraft. Mais je ne vais pas vous abrutir de comparaisons, même si je trouve cela passionnant… Ce roman est tout aussi merveilleux qu’on repère les clins d’œil de l’auteur ou non.
Le chapitre de la sorcière, dont le nom de famille vous rappellera quelque chose si vous vous êtes intéressés de près ou de loin à L’océan au bout du chemin, est aussi parmi mes préférés. Peut-être avez-vous déjà lu cette histoire d’ailleurs, car on peut la trouver sous forme de nouvelle dans certains recueils de l’auteur dont M is for magic.
Mais parlons un peu de la version audio elle-même, c’était le but après tout. Elle se compose de 7 CD, ce qui nous donne dans les 8h30 d’écoute. J’ai acheté le pack qui coûte 18€ et des poussières, mais on peut aussi le télécharger. Les pistes durent à peu près 12 minutes, on trouve cela pratique ou pas. C’est le format CD qui veut ça. Pour ma part, je préfère quand une piste équivaut à un chapitre.
Il s’agit de la version intégrale, une précédente ayant été éditée en 2008 est, semble-t-il, abrégée. Je ne connais pas la première, mais cette nouvelle mouture est vraiment sympa et nantie d’un large panel de comédiens pour nous la narrer. La postface est, de surcroît, lue par l'auteur. Cette version audio est très agréable à écouter et emporte facilement le lecteur dans ce roman initiatique, un brin gothique, terriblement fantasque et onirique. Je me suis sentie transportée dans le cimetière brumeux et fantomatique, j’ai redécouvert avec plaisir l’histoire de Bod et je ne regrette pas mon achat.
Il existe également des comics adaptés du roman, eux aussi en anglais, peut-être me laisserai-je tenter un de ces jours… En attendant je vous conseille chaleureusement la version audio de ce roman et, si votre niveau d’anglais ne le permet pas, il est toujours temps de profiter de la version imprimée française qui reste disponible en poche.
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Cette écoute entre dans le Challenge Halloween de Lullaby.

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mercredi 22 octobre 2014

L'arbre d'Halloween

Un roman de Ray Bradbury, publié chez Seuil, en version poche et grand format.


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Résumé de l’éditeur :
Lorsqu'ils frappent à la porte de Montsuaire pour réclamer des bonbons, Tom et ses copains déguisés en zombies ne savent rien de ce qui les attend... Commence alors un fabuleux voyage dans l'espace et le temps... Une quête fantastique et poétique des origines d'Halloween...



Ray Bradbury était un conteur hors pair et il a montré la mesure de son talent dans ce court roman entre fantasmagorie lyrique et poésie baroque. D’aucuns diront pourtant que ce n’est pas le meilleur qu’il ait écrit, que celui-ci recèle quelques faiblesses, c’est exact, mais j’ai, pour ma part, une tendresse particulière pour cette petite histoire qui est idéale à lire à l’époque d’Halloween. Et puis j’adore le personnage de Montsuaire, alors je ne suis sans doute pas tout à fait objective…
L’automne est une saison à part dans l’univers de Bradbury, fascinante, c’est-à-dire à la fois attirante et répugnante dans l’effroi qu’elle suscite. Le mois d’octobre, plus particulièrement, et la fête d’Halloween, hantent ses récits, des nouvelles de À l’Ouest d’octobre à La Foire des ténèbres, en passant par Le Pays d’Octobre. C’est toujours un plaisir de voir comment il exploitait ces thèmes et la façon dont ceux-ci évoluent dans son œuvre. Celle-ci, comme vous le savez sûrement, fut prolifique.
L’arbre d’Halloween est malgré tout un peu insolite en y regardant de plus près. Sous prétexte d’une bonne soirée entre copains et d’une quête improvisée à mener, l’auteur nous entraîne dans un récit prenant, à la découverte des origines d’Halloween. Il s’agit avant tout d’une ode à cette fête et à notre nature humaine telle que Bradbury la percevait. Le tout ne manque pas d’action, malgré les envolées lyriques coutumières de l’auteur, mais se veut aussi didactique.
Durant leur veillée d’Halloween, huit enfants se trouvent embringués dans une aventure étrange pour avoir suivi le conseil de leur ami Pipkin (eh oui, les noms ont leur importance chez Bradbury). Montsuaire, personnage énigmatique et véritablement génial, qui rappelle un peu le Jack de L’étrange Noël de Mr Jack, va les emmener à travers le temps et les différentes strates qui composent la fête d’Halloween que nous connaissons aujourd’hui. Mais est-ce un voyage si amusant et innocent que cela ? Les enfants ne courent-ils aucun danger ? Et qu’est devenu Pipkin alors qu’il tentait de les rejoindre ? Chez Bradbury, tout a un prix, surtout en octobre…
Huit enfants en quête de connaissance, mais également à la recherche d’un neuvième qui représente l’esprit d’Halloween tel que le concevait l’auteur, c’est très allégorique et cela donne à réfléchir. C’est sans doute cela qui me séduit le plus dans cette histoire.
La vision de Bradbury se fait parfois très chrétienne, mais n’omet pas de rappeler que, tout en évoluant, tout n’est qu’un éternel recommencement. Rien ne se perd, tout se transforme. Je ne suis pas toujours d’accord avec les affirmations de l’auteur et sa compréhension des différentes époques et cultures qu’il présente, mais cela incite à chercher plus loin et donne des bases intéressantes à ceux qui ne connaissent pas les traditions évoquées.
Bien que les personnages principaux soient des enfants, que le récit soit court et enlevé, en plus d’être riche d’informations diverses, ce n’est pas vraiment une lecture pour un jeune public. Les adultes et adolescents en percevront mieux toutes les dimensions, alors que de plus jeunes s’ennuieraient ou seraient peut-être un peu perturbés par certains aspects de ce récit.
Il faut aussi que je mentionne la traduction, que je juge discutable et qui ne m’a pas laissée grande impression. J’ai vu pire, mais elle est néanmoins, à mon sens, le gros point faible de cette édition.
Enfin, si vous cherchez un bon livre de saison, pas vraiment effrayant, juste un peu sombre, et surtout dans l’esprit de la fête, tout en appréciant d’apprendre quelques anecdotes au passage, L’arbre d’Halloween, avec ses allures de conte fantastique, pourrait se révéler un choix intéressant.


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Livre lu dans le cadre du Challenge Halloween de Lullaby.


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samedi 18 octobre 2014

TAG : The Book Blogger Test

Ce tag traîne dans mes brouillons depuis des mois, je l’avais complètement oublié…
Je ne sais pas du tout qui en est à l’origine. Je l’ai vu sur plusieurs blogs que je suis et me suis contentée de piquer l’idée.


Le top 3 des choses qui t’exaspèrent dans un livre ?
Je vais diviser la question en deux, à savoir trois choses pour l’objet-livre lui-même et l’édition en général, puis trois choses pour le contenu du livre.
(Depuis le temps vous devriez savoir que je suis une tricheuse en ce qui concerne les tags…)


- Les coquilles et fautes de toutes sortes, les incohérences grosses comme des maisons, les expressions ou références mal traduites, en somme tout ce qui montre qu’on n’a pas apporté de soin au texte lui-même, ce qui est irrespectueux pour le lecteur.
- Le livre de mauvaise qualité dont les pages se détachent à la première ouverture, l’encre qui s’efface, tout ce qui est défaut de fabrication.
- Les séries abandonnées en cours de route. On le doit de temps en temps aux auteurs et là je ne juge pas, même si en tant que lectrice cela m’agace, mais, bien souvent, c’est simplement le fait des éditeurs. C’est à croire que les séries que j’aime ne sont jamais assez rentables (j’insiste sur le « assez »).


- Les histoires invraisemblables. Je le dis souvent, mais en tant que lectrice de SFFF je suis prête à croire absolument n’importe quoi au cours d’une lecture, mais seulement si c’est logique et bien amené. Tout ce qui est retournement de situation en un claquement de doigts juste parce que l’auteur ne savait pas comment s’en sortir, pouvoir magique sorti du chapeau à la dernière minute, personnage qui change du tout au tout parce que touché par la grâce et autres inepties du genre m’énervent au possible !
- La prêche, pas forcément religieuse, cela s’entend, me met les nerfs en pelote. Je déteste qu’on essaie de me convertir, que ce soit à une cause, un courant de pensée ou quoi que ce soit d’autre. J’en garde un sentiment d’aversion pour le bouquin et ce même si à la base je partage l’avis de l’auteur.
- Les auteurs qui prennent leurs lecteurs pour des abrutis au point qu’on a l’impression qu’ils seraient même prêts à leur enseigner l’alphabet pour être sûrs qu’ils comprennent bien. Ça marche aussi avec la niaiserie à deux balles.


Décrit l’endroit parfait pour lire.
Dans ma bibliothèque, assise en tailleur dans un fauteuil confortable (oui je suis un cliché vivant).


Trois confessions livresques ?
- Je ne me débarrasse jamais d’un livre, même si je l’ai détesté. C’est problématique, parce que je manque de place, mais c’est psychologiquement impossible pour moi. (Je travaille là-dessus.)
- J’ai un classement très personnel que je suis la seule à comprendre. J’ai dû faire récemment un rangement par collections en vue d’un inventaire et surtout d’un gain de place, mais je compte retourner à mon ancien système très bientôt.
- Mes livres ont une pièce rien que pour eux et il n’y a quasiment plus de place pour en ranger de nouveaux…


La dernière fois que tu as pleuré pour un roman ?
Je pleure assez rarement pour un livre. Certains me bouleversent, et je n’emploie jamais ce mot en vain, mais les larmes… Mon cerveau a une manière bien particulière de gérer les émotions, je peux me révéler très émotive, mais sans l’exprimer vraiment.
Je crois que le dernier ouvrage à m’avoir aussi profondément émue — je n’ai pas pleuré mais je n’en étais pas loin — est L’après-dieux de Maëlig Duval.


Combien de livres sur la table de chevet ?
Sur ma table de chevet il n’y a que ma liseuse que je pose le soir sur mon carnet de notes (j’ai mes habitudes). Par contre il y a toujours une dizaine de livres à côté, certains en cours, d’autres à lire.
Je lis toujours au moins deux livres en même temps : le poche ou numérique à trimballer en journée, le livre encombrant pour le soir.
Il y a présentement 11 livres sur mon coffre, 9 à lire, un en cours, un déjà lu et pas rangé.


Ton en-cas favori pendant que tu lis ?
Je ne mange pas quand je lis. Parfois je me prépare un thé, mais je sais que je l’oublierai et le boirai froid, voire trop infusé si je n’ai pas retiré le sachet ou l’infuseur avant de commencer ma lecture. Quand je lis, plus rien n’existe alentour.


Trois livres que tu recommandes à tout le monde ?
C’est une question difficile, rares sont les livres qui pourraient toucher tout le monde et je pense que recommander ses livres préférés, en toute connaissance de cause, à des personnes qui ne les aimeraient pas est purement égotique.
(Comment je suis trop douée pour me débarrasser des questions embêtantes !!!)


Une image de ton étagère préférée dans ta bibliothèque ?
Oui mais non, parce que mes livres préférés ne sont plus sur la même étagère. J’espère qu’ils le seront de nouveau très bientôt, mais pour instant j’optimise l’espace.


Que signifie « livre » pour toi en trois mots ?
Savoir, rêverie, bien-être.


Ton plus grand secret concernant la lecture ?
Je crois au pouvoir bénéfique des livres, ils peuvent être magiques, curatifs, porteurs de vérités, même si elles sont souvent métaphoriques. Je crois aussi qu’ils sont nécessaires à notre bien-être, à notre évolution personnelle et à la construction de notre imaginaire et donc par-là même à une vie heureuse et saine.

jeudi 16 octobre 2014

Les Héritiers, Les Outrepasseurs T1

Un roman de Cindy Van Wilder publié chez Gulf Stream.


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Outrepasseurs 1




Résumé de l'éditeur :
Londres, 2013. Peter, un adolescent sans histoire, échappe de justesse à un attentat. Il découvre que l'attaque le visait personnellement et qu'elle a été préméditée par de redoutables ennemis : les fés. Emmené à Lion House, la résidence d'un dénommé Noble, il fait connaissance avec les membres d'une société secrète qui lutte depuis huit siècles contre les fés : les Outrepasseurs. Ces derniers lui révèlent un héritage dont il ignore tout...



Ce roman a pâti d’une mésaventure qui m’est arrivée en septembre, alors que j’avais déjà bien avancé dans ma lecture. Suite à une blessure, j’ai dû m’interrompre et si j’ai repris le roman dès que j’en ai eu la possibilité par la suite, mes plages de lecture se trouvaient malgré tout raccourcies. Il m’a donc été plus difficile d’en rédiger une chronique digne de ce nom. Pourtant, ce premier tome des Outrepasseurs est un vrai coup de cœur ! Il est donc important pour moi de faire passer dans mon avis tout ce que j’ai pu ressentir en découvrant ce roman, aussi décousue la fin de ma lecture fut-elle.


Premier tome d’une trilogie, Les Héritiers fait office d’introduction dans l’univers très construit des Outrepasseurs, mais cela n’empêche pas ce roman d’être un récit passionnant à lui tout seul, plein d’action et de rebondissements.
On y fait la connaissance de Peter, jeune ado lambda qui a des rêves de son âge et une vie tranquille, quoiqu’un peu solitaire, avec sa mère qui s’absente beaucoup pour son travail. Les apparences sont trompeuses, le jeune garçon est tributaire sans le savoir d’un lourd secret familial et il va l’apprendre à ses dépens au cours d’une soirée particulièrement surréaliste mais ô combien fascinante pour le lecteur.
Très amatrice de récits féériques — principalement ceux liés à des légendes, sans paillettes ni mièvrerie — j’attendais beaucoup des Outrepasseurs, d’autant qu’en suivant le blog de l’auteur, j’avais appris au préalable que nous avions des lectures en commun sur le sujet, notamment les ouvrages de Léa Silhol qui fait partie de mes auteurs favoris. Ajoutons à cela que les personnages de Cindy Van Wilder sont intimement liés à ceux du roman de Renart dont les différents récits ont bercé mon enfance, j’avais un peu l’impression de rentrer à la maison en tournant la première page.
Et ce fut le cas. Je me suis trouvée enchantée par cette féérie sombre et sans demi-mesure, par toutes les références aux contes et légendes que j’aime et surtout celles liées à Renart et ses comparses. L’auteur a soigné son univers, les amateurs y trouveront leur compte, c’est original, tout en étant basé sur du folklore ainsi que sur cet imaginaire que nous avons presque tous en commun. Cependant, c’est dans la création de ses personnages que Cindy Van Wilder s’est véritablement surpassée. Elle a su les rendre vivants.
J’ai été surprise de la façon dont le récit s’articule, c’était bien trouvé. Et même si l’on voit peu, au final, les jeunes gens qui seront les héros de cette trilogie, on sent qu’ils ont du potentiel, ils promettent pour la suite et on s‘attache à eux, surtout Peter et Shirley. J’ai été littéralement passionnée par l’histoire qui se déroule sous leurs yeux, désespérant d’en connaître l’issue.
J’ai hâte d’en savoir plus sur Noble, sur ce qui est arrivé dans le passé, de voir comment Peter va s’accommoder de sa nouvelle vie… Il reste tant de questions en suspens à la fin de ce premier tome !
C’est un roman classé en littérature jeunesse, pour de jeunes adolescents en fait, mais les adultes l’apprécieront tout autant car l’auteur a fait l’excellent choix de ne pas l’édulcorer. Elle aborde ici des thèmes difficiles avec intelligence et maîtrise.
J’aurai pour finir un mot au sujet de l’objet-livre lui-même. Il est vraiment joli. Sa première de couverture est dotée d’un rabat qui crée par en-dessous un relief et une partie de l’illustration. Le seul défaut est que cela rend le livre un peu fragile, surtout si on ne le pose pas pendant la lecture. L’illustration de la couverture du deuxième tome est encore plus belle et la troisième promet également.
J’espère vous avoir donné envie de lire cette trilogie. Pour ma part, je n’avais pas encore fini le premier volume que j’achetais déjà la suite, ce qui veut tout dire…

dimanche 12 octobre 2014

Nouvelles en vrac (4)

Cette fois-ci je vais vous parler de trois nouvelles numériques publiées chez Voy'El dans la collection e-courts.


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Le triomphe de l’Impératrice
de Cécile Duquenne


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Dans l’anthologie Arcanes, elle-même parue en version papier aux éditions Voy’El, dont est extraite cette nouvelle, chaque texte est consacré à l’un des arcanes majeurs du tarot, vingt-deux récits pour vingt-deux lames. Celle dont Cécile Duquenne a héritée est l’Impératrice, intéressante figure dont l’auteur fait une interprétation toute personnelle.
Il est un peu difficile d’entrer dans l’histoire au départ, face à ce peintre engagé pour réaliser la fresque d’une bataille spatiale majeure à laquelle on ne comprend goutte. Mais on se laisse aller dans la beauté des couleurs, dans l’infinité de détails, en attendant des réponses qui ne tardent pas.
Le triomphe de l’Impératrice est un récit à rebours en trois étapes pour trois générations différentes, qui va à chaque fois plus loin dans le passé. Cela m’a plu, la narration est originale et j’aime en général tout récit qui n’est pas d’une linéaire platitude, d’autant que j’ai trouvé assez symbolique ce découpage en trois car c’est le chiffre de l’Impératrice.
On passe par l’art qui sublime, tout en se voulant un témoignage d’une réalité longtemps tenue cachée, puis par l’acquisition de la connaissance qui doit se gagner et enfin par le combat lui-même qui mènera, ou pas, à la liberté.
L’intrigue en soi est intéressante et amène à une réflexion sur le libre-arbitre et le destin. Le tarot n’y est pas seulement évoqué, il fait partie de l’histoire et ce de manière plutôt bien trouvée. C’est une nouvelle originale et bien développée.


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Une octave de réalité ♥
de Julien Pinson


une_octave__pinson


Cette nouvelle a été un grand coup de cœur et je suis bien embêtée de me rendre compte que je ne sais pas du tout comment faire passer mon ressenti dans cette chronique ni même trouver les mots pour vous ouvrir une brèche vers ce récit.
Dans Une octave de réalité, des chats de Schrödinger deviennent des Cheshire cats, la musique permet de voyager entre les différentes réalités et les êtres qui peuplent ces multivers trouvent toujours le moyen de se faire la guerre… Dit comme ça, cela paraît simple, néanmoins j’ai adoré cette idée !
L’auteur a su créer quelque chose de très original et de vraiment passionnant, un texte très humain mais également assez baroque par moment. L’histoire est pleine de références qu’il est amusant de traquer, sans qu’elles manquent vraiment à la compréhension du lecteur qui ne les saisira pas au vol. Je suis passée par une grande palette d’émotions en lisant ces quelques pages. Les personnages, que l’on côtoie pourtant très peu, sont attachants et émouvants dans leur lutte, on ne peut que se soucier de leur sort.
J’aurais aimé une histoire plus longue, ne serait-ce que parce que l’originalité du background le méritait amplement, mais ce fut vraiment une excellente lecture que je garderai en mémoire. Je vous la conseille chaleureusement !


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Un sacré coup de pouce
de Milora


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Envie d’un récit complètement barré ? Je ne saurais trop vous recommander cette nouvelle dont la lecture fut un pur moment de fantaisie (oui, avec ie).
Tout commence avec un poisson rouge qui tombe de l’étage du dessus sur le balcon de David, jeune homme sympathique, mais assez commun au demeurant. C’est alors que son pouce, semblant tout à coup doté d’une vie propre (et d’un caractère bien trempé) va l’entraîner dans une aventure des plus fantasques que j’ai beaucoup aimé suivre.
Comme Alice tombée dans le terrier du lapin, il va aller de plus en plus loin dans l’absurde et rencontrer des personnages étonnants, à la dinguerie savoureuse, dont j’ai moi-même adoré faire la connaissance. Cette incursion de David dans un monde aussi enchanté que déjanté est particulièrement délicieuse.
Ce texte plein d’humour et très agréable à lire est une vraie bouffée d’oxygène, un anti-grisaille aux couleurs si vives qu’elles piquent les yeux, à l'image de la couverture, (encore mieux qu’un dé à coudre !) et grâce à lui vous saurez enfin toute la vérité sur les fées (je le savais, j’en ai toujours été persuadée ! C’est d’une logique imparable !).


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dimanche 5 octobre 2014

El almohadón de plumas

Une nouvelle d’Horacio Quiroga, présente dans le recueil Cuentos de amor de locura y de muerte.
Disponible en français dans le recueil Contes d’amour, de folie et de mort, chez les Editions Métailié en versions papier et numérique.


Vous pouvez lire la version originale ici et l’écouter là.


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Dernièrement, j’ai lu La boîte de Schrödinger saison 2, un recueil de Jacques Fuentealba. Or, la nouvelle El almohadón de plumas était mentionnée dans un des textes, Au sein de vos ténèbres, récit vampirique qui m’a beaucoup plu, et cela a réveillé ma curiosité naturelle. Qui plus est, le nom de l’auteur m’est familier, j’ai déjà dû lire ou traduire un ou plusieurs de ses écrits à l’école, sans pour autant me souvenir de cela avec netteté.
Je n’ai plus très souvent l’opportunité de parler, d’écrire ou même tout simplement de lire en espagnol, cela me manque et c’était une bonne occasion de renouer avec cette langue que j’aime énormément, en découvrant de surcroît un texte qui m’intriguait.
El almohadón de plumas est un récit très court, à peine quelques minutes de lecture, et facile d’accès, même rouillée comme je le suis, je n’ai eu aucun mal à suivre. J’attendais du fantastique, une nouvelle d’ambiance, aux accents vampiriques, un vrai classique du genre, et c’est ce que j’ai trouvé.
Le fantastique se révèle en fait peu prégnant, alors que j’apprécie quand il est diffus et troublant, mais cela reste une bonne lecture. L’aspect prévisible et la tournure classique du récit sont employés de manière à devenir des qualités et non des défauts. Le style fluide qui leur est associé les seconde à merveille et apporte en outre un bon effet de suspense. On sait ce qui va se passer, mais on brûle pourtant de le lire. C’est là, à mon sens, une marque de talent.
La conclusion, et surtout la façon dont celle-ci est contée, me restera en mémoire.
Je pense traduire cette nouvelle pour me dégripper les neurones et lire d’autres textes de l’auteur.


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mercredi 1 octobre 2014

Challenge Retour vers le futur !

Ce challenge est une brillante idée (oui encore une) de Lune, même qu'elle t'explique tout ça dans son billet.


Ce qui est encore plus génial, c'est que tant que restes dans le thème du voyage dans le temps tu as un vaste choix. Tu peux lire, bien entendu, essais, romans, nouvelles, BD, enfin ce qui te tente en somme, mais aussi opter pour des films, des séries, des documentaires... Tu n'as aucune excuse pour ne pas participer ! (Et toutes les occasions sont bonnes pour revoir les films !)


Ce challenge se déroulera du 21 octobre 2014 au 21 octobre 2015 (et si tu ne sais pas pourquoi, va juste te pendre, mais avant je t'ordonne de voir la trilogie Retour vers le futur !) Alors si t'es pas une mauviette rejoins-nous !!!


Je  m'étais me suis inscrite pour le niveau Marty McFly (parce qu'il a trop la classe) pour 8 participations.


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RVLFC*


P.S. : J'attends toujours les voitures volantes...